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Entretien avec Sylvain Bastide

Depuis quand exercez-vous à Labenne ? Quelle est votre fonction ?

Sylvain Bastide : je suis arrivé dans la commune en 1998 dans le cadre des emplois-jeunes. Très vite j’ai eu comme mission, au sein du service jeunesse, l’animation d’un conseil municipal des jeunes. Je suis donc là depuis l’origine du projet. Actuellement, j’assure deux types de fonctions : je suis responsable pédagogique de l’accueil de jeunes sur la commune et coordinateur du projet éducatif de territoire. L’animation du conseil municipal des jeunes (CMJ) se fait en plus de cette activité.

Comment est né le CMJ ?

Sylvain Bastide : c’était une volonté des élus de l’époque de développer la participation des jeunes dans la vie municipale. A la fin des années 90 le contexte était favorable au développement de ces initiatives, qui se multipliaient. Je me souviens avoir suivi des formations au siège de l’ANACEJ (1) où de nombreux emplois-jeunes étaient, comme moi, sur des missions de développement de conseils de jeunes. Il y avait aussi toute une dynamique au niveau du département des Landes avec la création d’un conseil des jeunes piloté par la DDJS (2), auquel j’ai pu participer.
Est-ce que le CMJ a été parfois questionné (au moment des changements de majorité ou de renouvellement des adjoints) ? 
Sylvain Bastide : on peut dire qu’il y a une relative stabilité à Labenne puisque le dernier changement de municipalité remonte à 2002. Depuis, seuls les adjoints ont changé, et l’existence du CMJ n’a jamais été remis en cause. Certaines interrogations ont porté sur son mode de fonctionnement (par exemple faut-il introduire plus de souplesse pour inciter la participation des jeunes ?). L’arrivée du Pedt a eu un impact positif sur les liens entre les différents acteurs en favorisant les échanges autour des enjeux éducatifs.

Dans quel cadre s’inscrit le CMJ ? Quels sont ses liens avec les conseils d’enfants d’école ?

Sylvain Bastide : Le CMJ s’inscrit dans le périmètre du Projet éducatif de territoire et dans le cadre d’une politique locale d’éducation à la citoyenneté. Au début de l’année 2017 ont été mis en place des conseils d’enfants d’école dans la commune. Cela a entraîné une redistribution des sujets traités : les problématiques de l’école sont maintenant du ressort du conseil d’enfants d’école et les sujets extrascolaires sont débattus au sein du CMJ. A noter que certains enfants (au niveau cours moyen) peuvent siéger dans les deux conseils.

Quelle est la composition du CMJ ?

Sylvain Bastide : le CMJ, qui a été renouvelé fin décembre 2016, comporte 27 membres, à l’image du conseil municipal adulte. La commission est composée d’enfants et de jeunes scolarisés du CM1 à la 3è, avec une répartition par tranche d’âge, pour une durée de deux ans. L’école peut être amenée à effectuer une  sélection  s’il y a trop de candidats. Par contre, il n’y a pas d’élections au sens propre (pas de « maire Jeune »), les jeunes sont tous volontaires. On passe par l’école pour informer les élèves de cours moyen de l’existence du CMJ ; la démarche est la même au niveau du collège de Labenne. L’essentiel des enfants provient du cycle 3, les plus grands (4è/3è) sont en revanche moins mobilisés. On a souhaité que le fonctionnement du CMJ reste relativement souple. Selon les projets, les jeunes qui le souhaitent peuvent venir participer aux débats.

Comment fonctionne-t-il ?

Sylvain Bastide : Il existe des commissions thématiques comme pour un conseil municipal d’adultes : sport et loisirs, cadre de vie et environnement, culture. En amont on recueille les idées, les préoccupations des enfants du CMJ en vue de la séance plénière d’ouverture. Lors de l’installation du conseil, c’est le maire qui accueille les jeunes, en salle du conseil. Il y a une forme de solennité, un peu de stress mais tout se passe bien en général ! Ensuite, on présente les conseillers et les projets, on aborde les questions d’organisation, puis les commissions thématiques au sein desquelles chacun s’inscrit librement en fonction des projets . Les séances suivantes ont lieu toutes les 2-3 semaines. C’est moi qui anime les groupes, en priorisant les projets : en général, j’invite les jeunes a en choisir un à court-terme et un à plus long terme. Le choix se fait par vote des jeunes au sein de la commission. L’idée est qu’il y ait des réalisations concrètes assez rapidement, un mandat ne durant que deux ans.

Comment s’effectue le choix des projets à mener ? Est-ce qu’il s’agit de projets voulus par les jeunes, ou plutôt par la mairie ? Qui prend les décisions : le jeune, l’adulte ?

Sylvain Bastide : un peu les deux. On ne peut évidemment pas retenir tous les projets ! On explique aux jeunes qu’on ne peut pas réaliser toutes leurs idées, ne serait-ce que parce qu’on est obligé de se centrer sur les compétences de la collectivité. Par exemple, aborder la question de la durée de la récréation est du ressort du conseil d’enfants d’école. La construction d’une patinoire n’est pas possible… Il faut aussi leur expliquer pourquoi certains projets ne sont pas retenus par les élus, comme par exemple le projet d’installation du skate park, qui a mis huit années pour se concrétiser. Je joue en quelque sorte un rôle de « filtre ». Autre exemple : les jeunes ont été consultés sur le réaménagement des jeux sur le front de mer, qui étaient vétustes. On a regardé ensemble les modèles, et je les ai aidés à monter le dossier technique, qui est difficile à maîtriser pour les jeunes.
Les prises de décision se prennent toujours en concertation, après discussion collective. Les projets travaillés en commissions sont ensuite présentés aux élus et au maire lors d'une séance plénière (2 ou 3 fois par an) pour validation ou report en fonction des contraintes et priorités budgétaires. Dans une commune de la taille de la nôtre, les contacts directs entre les élus et la population sont fréquents, les élus sont forcément dans l’action.

Quelles actions concrètes ont été menées par le CMJ dernièrement ?

Sylvain Bastide : une des dernières actions menées concerne la loi récente sur le port du casque obligatoire pour les enfants de moins de douze ans. Nous avons rencontré la police municipale, puis les enfants ont rédigé un flyer à destination des classes. Autre exemple : chaque jeune reçoit un livret intitulé A la découverte de ta commune  pour mieux comprendre les mécanismes de l’institution. L’éducation à la citoyenneté est un des trois axes du projet pédagogique du CMJ.
Les enfants sont amenés à faire de la politique au sens où ils participent à l’organisation de la vie de la commune dans laquelle ils vivent. Les enfants ont des préoccupations très concrètes, à l’échelle de leur rue, de leur école. Par ailleurs, je constate que la thématique écologique est de plus en plus présente dans leurs préoccupations, en particulier la forêt.

Les âges différents des jeunes membres du CMJ conditionnent-ils la participation ?

Sylvain Bastide : je ne crois pas. Du moment qu’on explique les règles du débat démocratique, qu’on amène de la matière sur les contenus, les jeunes peuvent prendre la parole et se positionner sur tel ou tel projet. Ceci dit, en deux ans les enfants changent beaucoup, nous voyons leur évolution rapide.

Qu’en est-il de la parité, en terme de représentants mais aussi sur la prise de parole ?

Sylvain Bastide : la parité filles-garçons est réelle… mais elle se fait naturellement, sans qu’il y ait eu besoin de la décréter. Il y a même légèrement plus de filles que de garçons dans le CMJ actuel. En ce qui concerne la répartition de la prise de parole entre tous les jeunes, j’utilise beaucoup le tour de table, et je veille à ce que chacun donne son avis.

Tous les jeunes viennent-ils régulièrement aux commissions ?

Sylvain Bastide : ils connaissent les mêmes soucis que les adultes, à savoir des problèmes de planning ! Certains ont des activités extrascolaires dont on doit tenir compte. L’implication des parents est à ce niveau importante, pour soutenir l’enfant, l’amener aux réunions, etc. Disons que globalement on part avec un groupe de vingt et on termine l’année avec une douzaine de jeunes.

Avez-vous des éléments sur le parcours des jeunes après leur participation au CMJ ? 

Sylvain Bastide : pas vraiment, car ils partent ensuite au lycée en dehors de Labenne. La commune a connu un essor démographique important ces dernières années, avec des arrivées, des départs de familles, ce qui rend un peu difficile le suivi des jeunes.

Quelles évolutions envisagez-vous pour le CMJ ?

Sylvain Bastide : on a recentré nos préoccupations sur les questions extérieures à l’école. Nous allons continuer à travailler sur l’aménagement d’une zone naturelle à Labenne, pour lequel les élus ont sollicité notre avis. J’espère que les conseils d’école d’élèves vont perdurer et que des liens vont se créer. Pour l’instant, les enseignants ont préféré ne pas mélanger conseil d’enfants d’école et conseil municipal des jeunes, ce que personnellement je regrette. J’avais proposé un jumelage, mais l’idée n’a pas été retenue par les enseignants. Cependant certains enseignants interrogent spontanément des membres du CMJ pour qu'ils présentent à leur classe les travaux en cours. Je trouve que le cumul des mandats tel que peuvent le vivre les élèves de cours moyen est une bonne chose car il permet de créer du lien . Actuellement les projets menés par les conseils d’enfants d’école concernent essentiellement le temps périscolaire (pose méridienne, équipements et fonctionnement des cours de récréation), ce qui est un peu paradoxal puisque c’est un temps géré par la collectivité…Ceci souligne l'importance du PEDT, tous les temps de l’enfant sont liés et interdépendants.
Une autre piste à approfondir : le lien avec le collège et son équipe pédagogique.

Propos recueillis par Anne Francou ( juin 2017)

Notes
Note (1) ANACEJ = association nationale des conseils d’enfants et de jeunes. Cf. site officiel : http://anacej.asso.fr/
Note (2) DDJS = Direction Départementale Jeunesse et Sports

Consulter le document "Cadrage et projet pédagogique du conseil municipal des jeunes de Labenne"