Entretien avec Pascal Estrade, directeur de l'école primaire Océane

	Pascal Estrade est directeur de l’école primaire Océane de Labenne (185 élèves)

Quand a été instauré le conseil des enfants ? Qui a pris la décision de le mettre en place ?

P. Estrade : le conseil des enfants a été instauré début novembre 2016, sous l’impulsion de l’équipe enseignante et suite à une démarche d’évaluation conduite autour du projet éducatif de Labenne. Il n’existait pas jusqu’alors de conseil d’enfants dans l’école, il était temps d’en mettre un en place ! Le choix de l’appellation « conseil des enfants » plutôt que « conseil des élèves » a été fait pour englober la dimension périscolaire du temps éducatif de l’enfant.

Quels sont les objectifs du conseil des enfants ? Dans quel cadre s’inscrit-il ?

P. Estrade : l’objectif principal est d’améliorer la vie de l’école dans toutes ses dimensions. Développer la citoyenneté est un objectif fort du projet. La période des élections a été à ce titre intéressante pour les enfants, qui ont pu à travers le processus de mise en place du conseil des enfants (avec période de campagne, organisation d’élections) comprendre ce qu’est le processus démocratique. Autre enjeu fort du projet : la dimension participative des enfants aux décisions concernant la vie de leur école. Par ailleurs le conseil des enfants est un axe important du projet d’école.

Comment s’est-il mis en place ?

P. Estrade : le conseil des enfants s’adresse aux élèves du cours préparatoire jusqu’au cours moyen 2è année. Chaque enfant qui souhaitait se présenter au conseil des enfants a élaboré un programme et a réfléchi à un slogan, qu’il a ensuite dû défendre devant sa classe. Une journée entière a été consacrée au vote, selon les règles habituelles d’une élection : bulletins de vote, isoloirs, urnes, dépouillement, etc. Au final, 12 enfants siègent au conseil des enfants : 9 enfants représentent l’école et 3 représentent le périscolaire. Pour ce qui est des adultes, siègent un représentant des parents d’élèves (élus), le personnel municipal d’animation du périscolaire, un représentant de la MACS (1), un représentant du Pedt, l’adjointe au maire en charge de l’éducation, un enseignant, moi-même, et toute personne invitée si besoin (une dizaine d’adultes au total). Le groupe est formé d’une vingtaine de personnes au total.
Nous avons fait 5 conseils des enfants cette année. Les séances ont lieu sur le temps périscolaire, de façon à impliquer tous les acteurs éducatifs.

Qui anime le conseil des enfants ? Qui décide de l’ordre du jour ? 

P. Estrade : c’est moi qui préside les séances. L’ordre du jour est débattu dans chaque classe une semaine avant la tenue du conseil ; les délégués me font ensuite remonter les sujets qu’ils souhaitent voir aborder. Je synthétise et priorise leurs idées pour établir l’ordre du jour. Suit ensuite une convocation. Puis, à l’issue des conseils, je fais un compte-rendu qui est envoyé aux membres du conseil des enfants, et chaque délégué enfant doit à son tour faire un compte-rendu à ses camarades.

Quelles sont les règles posées aux enfants ? Quelle posture de l’adulte face au jeune ? 

P. Estrade : ce sont les mêmes règles pour les enfants que pour les adultes, à savoir demander la parole en levant le doigt, le même temps de parole pour tous, un même poids du vote. Les décisions sont prises à la majorité, après vote à main levée. Les enfants ne sont généralement pas intimidés, certains s’expriment même très facilement. Les plus petits (les CP) mettent un peu plus de temps à prendre part aux discussions. Mais dès qu’on les investit d’une mission, ils sont capables de la mener à bien, et ils sont capables de prendre position dans les débats.

Quels sont les projets débattus ? Quels sont ceux qui ont été menés à terme ? 

P. Estrade : nous avons fonctionné par commissions : le périscolaire, la restauration scolaire, la cour de récréation. Par exemple, cette dernière commission s’est chargée de faire faire des devis pour l’achat de matériel (ballons, filets pour les ballons, pyramide de corde, balançoire pour les maternelles) destiné à améliorer l’aménagement de la cour. Les enfants ont fait des propositions, ensuite la mairie a tranché en fonction des priorités budgétaires. Deux projets sur trois ont été retenus et seront réalisés sur le budget 2017. Autre exemple : une enquête a été réalisée par les élèves de la commission restauration autour des repas de la cantine, dont la MACS tient compte dans l’élaboration des repas (2). La commission périscolaire a travaillé à la création d’un espace lecture en faisant un appel aux dons en direction des familles, qui a très bien fonctionné. La bibliothèque, installée dans la salle périscolaire, est pratiquement terminée. En revanche, les questions d’ordre pédagogique ne sont pas débattues en conseil des enfants.

Quels sont les effets de la participation au conseil des enfants que vous avez pu constater chez les enfants ? 

P. Estrade : il faut dire qu’on n’a pas encore assez de recul puisque le conseil d’école n’a pas un an d’existence. Ce que l’on souhaitait pour commencer, c’était arriver à des réalisations concrètes, au-delà des débats. On peut dire que de ce point de vue-là, le pari est réussi ! Les plus grands (CM1, CM2) sont devenus des référents pour leurs camarades en cas de conflits. Le statut du délégué n’est pas totalement ancré chez tous les enfants, cela se met progressivement en place.

Quels effets de la parole des enfants auprès des adultes ? 

P. Estrade : On peut dire que les besoins des enfants sont clairement exprimés par les enfants eux-mêmes et qu’ils sont entendus par les adultes. Les enfants ne connaissent pas la langue de bois. On a pu connaître en conseil des enfants des moments où les enfants ont appuyé « là où ça fait mal », ce qui a conduit certains adultes à devoir se remettre en question. Le poids de la parole des enfants est bien réel. Je considère que certaines réalisations ont vu le jour plus vite parce que c’étaient les enfants qui les avaient demandées et que cela avait été voté.

Quel est le positionnement des parents dans ce projet ?

P. Estrade : dans notre école, les parents sont très présents, sans toutefois être pesants. Ils se sont approprié le conseil des enfants à 100 %. Ils accompagnent volontiers les enfants dans leurs différentes démarches.

Est-ce le conseil des enfants fait consensus auprès des enseignants ? Est-ce que cela représente une surcharge de travail importante pour un directeur d’école ?

P. Estrade : c’est effectivement une charge de travail supplémentaire non négligeable pour moi. Mais je considère que c’est aussi un investissement qui permet un certain nombre de réalisations, comme la création de la bibliothèque, qu’il aurait été plus long de mettre en place en dehors du conseil des enfants. Concernant l’équipe enseignante, il n’y a pas eu de problème particulier, ils se sont approprié le projet assez naturellement.

Quels liens existent entre le conseil des enfants et le conseil des maîtres ? Avec le Conseil municipal des jeunes ? 

P. Estrade : le conseil des maîtres est très occupé par le conseil des enfants ! Il faut veiller notamment à ce que les décisions prises en conseil des enfants ne passent pas par-dessus leurs propres décisions… En même temps, une décision votée en conseil des enfants doit être suivie par les adultes, il faut rester cohérent. Il y a donc un équilibre à trouver.
Quant à l’articulation entre le Conseil municipal des enfants et le conseil des enfants, cela reste un point à améliorer. Nous avons été jusqu’à présent autocentrés sur nos préoccupations. Les élèves de cours moyen élus au conseil des enfants font partie de fait du conseil municipal des jeunes, mais les liens avec le Pedt doivent être plus étroits. La perspective l’année prochaine est d’ouvrir davantage l’école aux associations locales, mais également de travailler sur les règles de vie et de fonctionnement dans le but d’améliorer encore la sérénité et la bienveillance scolaire et périscolaire. Seront également travaillées des articulations plus pérennes encore entre ces deux derniers pôles.

Propos recueillis par Anne Francou  (juillet 2017)

Notes
(1) MACS = Communauté de communes Maremne Adour Côte-sud. Cf. site officiel : http://www.cc-macs.org/
(2) enquête de satisfaction réalisée par les élèves élus de cours moyen

Consulter le document de présentation du conseil des enfants de l'école Océane de Labenne