Robot Lycéen

Une expérimentation de téléprésence mobile pour des élèves empêchés

Un projet partenarial autour d’une démarche d’innovation technologique en milieu scolaire

Le Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes a cherché courant 2013 à identifier des applications et usages possibles en matière de robotique de service. Après une première phase de co-construction du projet par les usages conduite par la Cité du Design de Saint-Etienne dans le cadre de sa démarche LUPI (Laboratoire des usages et pratiques innovantes), il a été décidé de mettre à disposition de quelques lycées des robots de téléprésence mobile, et d’en cibler l’usage sur des élèves empêchés, c’est-à-dire absents de l’établissement pour une période relativement longue en raison de problèmes de santé.

Le projet robot lycéen a débuté en janvier 2014 et l’expérimentation opérationnelle des robots depuis la rentrée 2014 se terminera en décembre 2016. Elle aura été une première en France et en Europe. En effet, les possibilités offertes jusque-là aux élèves empêchés pour des absences de courte à moyenne durée étaient soit de se procurer les cours et de les étudier seuls à leur domicile ; soit dans certains cas de se voir proposés des cours à domicile dans le cadre du SAPAD (1).
Avec le robot de téléprésence, les élèves expérimentateurs ont pu depuis leur domicile, pendant leur convalescence, assister en temps réel aux cours qui se déroulaient dans leur lycée, aux côtés de leurs camarades, et y participer en étant vus, entendus et en prenant la parole. L’utilisation du robot leur donnait également la possibilité de se déplacer de façon quasi autonome dans les salles de classe et les couloirs de l’établissement, ce qui constitue une différence majeure avec les solutions non mobiles de visioconférence qui peuvent exister par ailleurs.

Face à l’innovation technologique majeure que représentaient les débuts de la téléprésence mobile en 2014, la Région Auvergne-Rhône-Alpes s’est fixée, dans le cadre de cette expérimentation, trois objectifs principaux :

  • tester l’usage et analyser les apports de la robotique de téléprésence dans l’éducation, et plus particulièrement auprès des lycéens ;
  • répondre à un besoin d’accompagnement d’élèves temporairement éloignés de l’école en leur permettant de participer aux cours et à la vie de leur classe à distance
  • impulser et accompagner le développement d’une filière économique émergente et prometteuse en région Auvergne-Rhône-Alpes.


Pour conduire le projet et faciliter sa mise en œuvre dans les lycées, la Région s’est entourée de plusieurs partenaires. Il s’agissait de combiner un éventail de compétences, à la fois sur le plan technique et en matière d’accompagnement socio-organisationnel, et d’être en mesure de tirer des conclusions solides de cette expérimentation.

Le service Numérique de la Direction des Politiques Territoriales de la Région Auvergne-Rhône-Alpes a initié et piloté le projet. L’expérimentation a été conduite, suite à un appel d’offres, par un groupement de partenaires constitué dans une logique de complémentarité des rôles et des compétences : 

  • L’entreprise AWABOT (société lyonnaise de robotique) chargée de la fourniture et de la maintenance des robots, et de la coordination technique du projet ;
  • Le centre ICAP (Innovation, Conception et Accompagnement pour la Pédagogie) de l’Université Lyon 1, chargé de l’hébergement de la solution, de la communication projet, de l’appui à la création d’outils de formation ; 
  • Le Learning Lab de l’Ecole Centrale de Lyon, chargé de l’accompagnement général du projet (notamment accompagnement humain des lycées et formation des utilisateurs) ;
  • L’Institut Français de l’Education (Ifé - ENS de Lyon), chargé du suivi et de l’analyse des usages, ainsi que de l’appui à l’implantation de l’expérimentation dans les lycées ; 
  • Le laboratoire ECP (Education, Culture, Politiques) de l’université Lyon 2 a été associé à l’équipe initiale en cours d’expérimentation, en vue d’approfondir l’analyse des usages et des impacts du robot de téléprésence sur les pratiques professionnelles des enseignants. 


Des robots de type « QB » ont été installé dans trois lycées pilotes en septembre 2014 : le LEGT La Martinière - Montplaisir à Lyon ; le LEGT Jean-Michel Carriat à Bourg-en-Bresse ; le LEG Claude Fauriel à Saint-Etienne. Un quatrième robot a été mis à disposition de l’Unité Soins Etude (USE) de l’hôpital de La Tronche en mai 2015, en vue d’une utilisation par des élèves hospitalisés, puis a été transféré en aout 2016 à la Cité scolaire Elie Vignal de Lyon, accueillant des élèves présentant d’importants problèmes de santé et nécessitant une scolarité adaptée. 

Un accueil contrasté dans les établissements scolaires et une mise en œuvre parfois difficile sur le plan technique mais une appropriation progressive

L’appropriation du robot lycéen et son utilisation dans l’établissement a varié en fonction de deux paramètres. D’une part la question des conditions matérielles et techniques d’implantation (qualité du réseau wifi, accessibilité handicapés pour que le robot puisse circuler dans les locaux). Et d’autre part la question de l’acceptabilité sociale par le corps enseignant : une partie d’entre eux ont en effet exprimé des réticences fortes à l’égard des robots, vus comme des machines impersonnelles menaçant l’enseignant dans sa fonction et risquant de déshumaniser la relation éducative entre élèves et professeurs. Ces enseignants craignaient notamment une atteinte à « l’intimité » qui existe au sein d’une classe entre le professeur et les élèves. Une autre partie des enseignants s’est néanmoins immédiatement portée volontaire, montrant de l’enthousiasme pour le projet.
Afin de faciliter l’implantation du robot et de lever ces réticences, plusieurs mesures ont été rapidement mises en place : signatures par les élèves, leurs parents et les établissements eux-mêmes de chartes d’utilisation ; garantie donnée aux enseignants qu’il n’y avait aucune possibilité de captation vidéo (et donc potentiellement de diffusion sur internet) ; accueil du robot dans le classe sur la base du volontariat des enseignants.
Sur les deux premières années d’expérimentation, ce sont 13 élèves qui ont bénéficié de ce robot dans le cadre d’absence allant d’une semaine à trois mois. Toujours utilisé dans le cadre d’une convalescence faisant suite à une maladie ou un accident, ce robot a été testé par des élèves issus de toutes les classes de la seconde jusqu’au BTS, présentent des profils social et scolaire variés.

Des bénéfices importants en termes de persévérance scolaire et de socialisation

Une enquête de suivi par questionnaire et par entretien a permis d’analyser le développement des usages de ce robot lycéen et d’en identifier les bénéfices et les inconvénients. Cette étude fait apparaitre une très forte convergence d’avis entre élèves expérimentateurs, enseignants et élèves des classes expérimentatrices. Les principaux bénéfices de la téléprésence correspondent à la continuité des apprentissages et au maintien de la socialisation lycéenne. Un élève expérimentateur explique que, pour lui, « c’est un outil merveilleux, cela m’a permis de sauver le temps passé à la maison, j’ai la sensation de n’avoir perdu que 20% des cours ». Une autre que « sans le robot, cela aurait été très difficile et très fatigant de rattraper l’intégralité de mes trois semaines d’absence ». Le maintien du contact avec les camarades et les enseignants est également vu comme une valeur ajoutée très importante, surtout pour des adolescents. Elle est placée en tête des bénéfices par les enseignants (80%) et en seconde place par les élèves.

La présence du robot lycéen est aussi considérée comme ayant un impact positif sur la solidarité entre les élèves et dans une moindre mesure sur le climat de la classe. Certains enseignants et personnels de direction interrogés confirment une tendance au développement de l’altruisme et la découverte des vertus du bénévolat chez quelques élèves qui se sont proposés comme élèves référents.
La dimension innovante du robot lycéen est enfin fortement soulignée : 80 à 90% des acteurs interrogés pointent comme bénéfice de l’expérimentation le fait de participer à une innovation, d’être sensibilisé aux innovations technologiques du monde de demain et d’appartenir à un lycée de pointe.

Seuls deux bémols apparaissent à ce stade de l’expérimentation. D’une part, si la téléprésence ne modifie pas foncièrement la relation de l’élève téléprésent avec ses camarades et ses enseignants, elle tend à diminuer les interactions. Mais il est à ce stade difficile de savoir si c’est la téléprésence en elle-même ou les conditions d’utilisation du robot (bugs, difficultés de connexion…) qui minore dans certains cas les interactions. D’autre part, l’absence de couverture wifi complète dans les lycées empêche le robot de fonctionner et de circuler de manière réellement satisfaisante, cantonnant encore trop souvent le robot à quelques salles de classe et empêchant l’élève utilisateur de participer à tous les moments de la vie de sa classe.
Au final, on observe un niveau très élevé de satisfaction chez les élèves expérimentateurs, au sein de leur classe et chez les enseignants. Les bénéfices sont considérés comme nombreux et tangibles et les réserves émises portent non pas sur la téléprésence en elle-même mais sur les difficultés liées au fonctionnement du robot.

Note (1).  SAPAD = Service d'assistance pédagogique à domicile.

Contacts :
Isabelle BESSON, chef de projet à la Direction des politiques territoriales du Conseil régional Auvergne -Rhône-Alpes
Edwige COUREAU-FALQUERHO, ingénieure d’étude à l’Institut Français de l’Education – ENS de Lyon.

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