Atelier 4 : Territoires éducatifs, «bassins» de ressources éducatives : pertinence et inégalités
Compte-rendu de l'atelier (par Yves Fournel)
Problématique :
Territoires éducatifs, pertinence, inégalités, « bassin de ressources éducatives »
L’inscription des PEDT dans la loi de refondation de l’école et l’incitation à les généraliser marquent une étape importante dans l’évolution des projets éducatifs locaux et des rapports éducation/territoires. Cela repose aussi l’état du rapport national/local et la question des risques d’inégalités territoriales. En particulier la question : « Les territoires ruraux, atouts et/ou déficit en ressources éducatives ? » est souvent soulevée.
Le contexte est aussi marqué par les réformes territoriales successives et la place croissante de l’intercommunalité, en particulier en secteur rural ou rurbain.
Mais, les travaux sur la notion même de territoire montrent qu’il ne faut pas se cantonner à une lecture administrative et institutionnelle et que les habitants n’en ont pas une perception homogène en fonction de leurs déplacements et de leurs réseaux de relations et de travail.
En quoi les territoires peuvent mobiliser des ressources éducatives (humaines, patrimoniales, culturelles, espaces naturels, etc.) et être le creuset de coopérations éducatives entre acteurs ?
Quelle(s) serai(en)t la (ou les) échelle(s) pertinente(s) pour ces coopérations et leur mise en oeuvre ?
Quelle articulation des PEDT avec le volet éducatif des CUCS, le PRE et l’éducation prioritaire ?
Quel rôle pour le référentiel de l’éducation prioritaire ?
Régis Cortesero introduit l’atelier et ses problématiques à travers des questions posées à chaque intervenant.
Il met en évidence la tension entre des espaces locaux d’apprentissage et « un espace de généralités » au niveau de l’Etat, une opposition particuliers/universel et l’existence de régulation soit centrale, soit par le « marché ». Comment échapper à la fois à une « tyrannie du local » à travers une demande consommatrice ou un modèle de l’entreprise basé sur la recherche de « performances », aux inégalités entre territoires ?
« On ne peut pas éduquer sans le local », les territoires étant des supports concrets de savoirs et porteurs d’un risque de trop grande contextualisation des contenus.
Fabienne Fédérini inscrit sa réflexion dans une évolution du contexte historique dans la posture de l’école vis-à-vis des parents et des partenaires de l’école, sur « l’ouverture de l’école sur son territoire » et invite à réfléchir au « territoire d’action » au-delà des limites administratives.
Elle a parlé de « territoires reconnus, apprivoisés, rêvés même au-delà des prescriptions institutionnelles » et donc des différentes notions de territoires, du quartier prioritaire au Département. Elle rappelle que les territoires sont à la fois un problème et des sources de solutions éducatives.
Elle fait référence aux travaux de P. Champolion sur le rural montagnard à ce sujet. Elle évoque aussi le référentiel de l’éducation prioritaire.
Elle conclut en rappelant la question centrale de la réduction des inégalités et celle de la modification des secteurs scolaires et des modalités de décision les concernant.
Elle rappelle les quatre critères ayant présidé à la nouvelle carte de l’éducation prioritaire : taux de boursiers, retards en 6ème , la part des résidents en ZUS, des catégories sociales défavorisées, et que les décisions sur l’éducation prioritaire ont été discutées avec les recteurs et la DGESCO.
Elle souligne le sentiment d’isolement ressenti dans certains quartiers et questionne : comment prendre en compte les spécificités, le local, sans enfermer dans le territoire ?
Elle rappelle que les politiques éducatives locales avec les PEDT ou l’éducation prioritaire, relèvent du « Droit commun » aujourd’hui et non de dérogation. Cela pose la question des inégalités et donc de péréquations garanties par l’Etat.
Vincent Moreau part de l’expérience des PEP d’Eure-et-Loir gestionnaires de structures petite enfance et de 40% des accueils de loisirs dans ce territoire rural avec l’agglomération urbaine de Chartres. Dans l’urgence de la réforme des rythmes, ils ont été sollicités par nombre de communes.
Les PEP sont intervenus avec le souci de leur projet associatif confronté aux besoins et demandes des territoires. Ils ont aussi été confrontés aux problèmes de répartition des compétences entre communes et intercommunalités et d’allers retours entre les deux niveaux.
Il souligne plusieurs défis comme l’implication des enseignants et le besoin de mieux les associer, la transformation du regard de chaque acteur sur l’autre, la nature du pilotage des PEDT autour des prestations de marché par délégation à des associations ou avec une gestion directe avec ou pas convention avec des associations. Il a aussi évoqué la formation et le recrutement des animateurs d’accueils de loisirs, les formations initiales et continues des professionnels y compris avec des modules partagés et le rapport qualité/taux d’encadrement/qualification. Il précise que le métier d’animateur évolue avec des différences entre temps périscolaires, ALSH du mercredi ou encore les centres de vacances. Il avance l’idée d’une nouvelle phase des PEDT, plus qualitative, qui s’ouvre autour des enjeux éducatifs.
Il rappelle enfin l’enjeu de la réduction des inégalités et du regard de chacun sur ces inégalités.
Patricia Roumegoux a parlé de son expérience d’un niveau départemental (GAD) tout à la fois « observatoire, laboratoire et conservatoire » dans le contexte de la réforme des rythmes et de la généralisation des PEDT.
70% des communes des Landes se sont engagées en 2013 et les partenaires départementaux du GAD ont convergé pour informer, préparer, aider et former dès janvier 2014 les acteurs éducatifs, avec un rôle actif du Centre de gestion de la fonction publique territoriale.
Le GAD des Landes a mis en place deux groupes de travail-formation et évaluation avec tous les partenaires institutionnels mais aussi les parents, les associations et les territoires (coordinateurs ou cadres territoriaux et élus).
Un programme de formations partagées a été et est structuré avec un rôle important du centre de gestion et de la DSDEN. Il permet un croisement et une meilleure reconnaissance réciproque des missions et des cultures professionnelles. Elle signale l’utilisation d’outils de CANOPE (petits ateliers) pour ces formations et l’implication du centre de gestion.
Un travail d’évaluation des projets est lancé à travers l’élaboration de questionnaire et d’éléments de référentiel commun. La DSDEN a lancé un travail propre sur l’évolution des pratiques professionnelles des enseignants avec la réforme des rythmes (dont des résultats intermédiaires sont présentés dans l’atelier 5 sur l'évaluation d'un PEdT).
Les groupes de travail portent une conception des PEdT se rapprochant des projets éducatifs locaux antérieurs à la réforme et ne se limitant pas à l’organisation horaire des temps scolaires et des activités périscolaires, avec des objectifs qualitatifs et en terme de concertation, de partage de projets.
Dans leurs rapports avec les maires ruraux, elle soulève une méconnaissance parfois des enjeux éducatifs et un défaut d’investissement de certains sur ces questions éducatives et donc une difficulté pour avoir des interlocuteurs.
Ils ont été confrontés aux différences d’organisations territoriales entre les écoles, leurs RPI et les territoires des communes ou intercommunalités compétentes. Et aussi à certaines insuffisances des infrastructures et/ou aux problèmes de ressources financières de certaines communes.
Elle insiste sur le besoin et la recherche de cohérence et d’équité afin de proposer un même niveau de «qualité » partout, pour tous les enfants.
Marie-Jeanne Béguet part de son expérience de maire de Civrieux, petite commune rurale de l’Ain et de vice-présidente de l’AMRF, pour rappeler l’importance pour les élus ruraux de ces enjeux éducatifs (réponse à l’intervenante des Landes) et du lien entre l’école et son territoire, du lien entre scolaire et périscolaire.
Elle fait état des difficultés spécifiques de ces petites communes avec des services communaux réduits et dans un contexte de réduction des contributions de l’Etat, tout en réaffirmant la volonté de ses collègues de réussir à mettre de la qualité dans ces projets. Elle a évoqué les difficultés de recrutement d’animateurs qualifiés quand on est éloigné des centres universitaires. Elle s’étonne des difficultés réglementaires en matière de sécurité pour des enfants du même âge, dans les mêmes locaux scolaires et pour des temps différents (maternelle et ALSH).
Mais, dans le même temps, elle fait état de la concertation menée dans la proximité avec les parents, les enseignants et les associations qui a conduit à mobiliser des tissus associatifs importants en secteur rural et les agents municipaux.
Elle précise que très majoritairement, les élus ne s’opposent pas ou plus à la réforme et contribuent à la mise en œuvre avec l’objectif de répondre au mieux aux besoins : « Il ne faut pas s’arrêter », « Passer des rythmes à une politique globale de l’enfant est un grand pas », « une volonté de bien faire ».
Elle pointe des inquiétudes par rapport aux difficultés d’organisation pour les associations confrontées à des horaires différents pour leur public jeune, avec des écoles privées qui n’appliquent pas les nouveaux horaires.
Elle met en avant une volonté de réduction des inégalités d’accès au périscolaire et questionne : qui n’y va pas ? Elle pose donc la problématique d’un caractère obligatoire du périscolaire. Elle souhaite une souplesse dans le choix du territoire pertinent pour les PEDT sans se figer sur l’intercommunalité, et aussi sur le « modèle d’école » en faisant référence à une étude de l’ESPE de Grenoble sur l’intérêt des classes uniques en matière de réussite scolaire.
Elle rappelle que des ATSEM se sont senties mieux valorisées avec leur implication dans des activités avec les enfants et qu’ils étaient confrontés à l’intérêt mais aussi aux difficultés de la mobilisation régulière de bénévoles sur le périscolaire.
Elle a relayé la « surprise » de maires autour de l’attitude d’enseignants « hostiles au périscolaire » et pas ou peu ouverts à « une conception globale de l’éducation des enfants » et aux coopérations et complémentarités qu’elle supposerait.
Damien Berthilier va dans le même sens en insistant sur le besoin de renforcer la coopération entre l’Etat, les DSDEN et les villes pour développer ces projets et que les communes soient bien reconnues comme partenaires.
Il relève « qu’on avance malgré des freins et des difficultés à surmonter » et qu’à long terme « il faut s’appuyer sur ce qui marche bien ».
Il rappelle que l’Etat est lui-aussi producteur d’inégalités éducatives et ce avant ces réformes. Pour lui, il faut améliorer l’articulation et les échanges entre projet scolaire et périscolaire, entre enseignants et intervenants associatifs ou communaux, entre les APC et le périscolaire.
Il développe le rôle nouveau de la Métropole de Lyon qui a repris les compétences du conseil départemental et donc une compétence éducation et sur les collèges mais aussi politique de la ville avec le volet éducatif du CUCS. Il évoque la concertation informelle organisée au niveau de la Métropole avant l’échéance de 2014 avec les communes, à partir de l’éducation prioritaire et du CUCS. Elle s’était élargie ensuite aux réformes des rythmes et aux PEDT. La nouvelle Métropole réfléchit aujourd’hui à son propre projet éducatif pour mettre en cohérence ses différentes actions avec les collèges mais aussi des communes (EDD, patrimoine et mémoire, numérique, lecture publique…).
Dans le débat assez (trop) court, on peut noter l’intervention d’une élue d’une commune de montagne de Haute-Savoie, Madame Combloz, qui a présenté des spécificités de ces territoires liées à la saisonnalité et l’importance du ski dans les activités et dans les organisations horaires variables dans l’année, avec des journées très chargées en hiver. Pour elle, le territoire pertinent est celui du collège et des écoles de son secteur.