La réussite éducative, un enjeu territorial à la réalisation imparfaite
NB. Cet article est initialement paru dans la revue Diversité n°193 - sept.-déc. 2018
Introduction
L’anniversaire des 40 ans de la politique de la ville offre l’occasion de revenir sur la manière dont la question éducative, et plus encore celle de la réussite éducative, s’est affirmée en son sein. Depuis le début des années 1980, les politiques d’éducation en France ont été marquées par un processus de territorialisation, par une croissance des inégalités sociales dans l’école et par une recrudescence et un empilement de dispositifs pour lutter contre l’échec scolaire (Van Zanten, Rayou, 2017). Dans ce contexte, la politique de la ville et les politiques de l’Éducation nationale ont tenté de se rapprocher, contribuant à créer une forme de « culture locale » (Glasman, 2007) mais aussi à complexifier l’analyse des relations entretenues entre les acteurs des territoires (les équipes enseignantes, les services déconcentrés de l’Éducation nationale, les directions Éducation des municipalités, leur personnel d’animation, les associations de l’éducation populaire, voire les représentants locaux des forces de l’ordre). Cette dynamique transversale, au cœur de la politique de la ville, a donc progressivement conduit l’Éducation nationale à dialoguer avec les acteurs municipaux. Ces derniers, au cours des quarante dernières années, ont de plus en plus intégré les enjeux éducatifs dans leurs politiques municipales.
Cet article n’a pas vocation à faire un bilan de l’éducation prioritaire et de ses résultats, dont les rapports accumulés au fil des ans n’ont cessé de souligner les oppositions sur l’interprétation des résultats et des actions à mener [1]. Notre ambition est de revenir sur la manière dont la politique de la ville a progressivement intégré la dimension éducative au sein de ses orientations, et surtout de saisir comment les acteurs – aussi bien l’Éducation nationale que les municipalités – se sont emparés de cette question dans les quartiers populaires, et comment ils ont pu (ou non) établir un dialogue. Nous reviendrons tout d’abord sur la manière dont les questions de la réussite éducative et de la politique de la ville ont initialement été pensées séparément, voire comment l’Éducation nationale n’a pas fait des villes des interlocutrices privilégiées de ses politiques (I). Ensuite, si la réussite éducative est une ambition partagée par la politique de la ville et la politique d’éducation prioritaire, le dialogue a été complexe à établir dans les territoires (II). Enfin, depuis la loi de Refondation de l’école de 2013, les élus locaux ont accru leurs compétences dans le champ éducatif et des partenariats s’affirment, par-delà les quartiers en politique de la ville, avec l’Éducation nationale. Néanmoins, les ambitions d’une politique coordonnée pour la réussite éducative, à travers les projets éducatifs territoriaux (PEDT), ne sont pas parvenues à faire du territoire le pivot de la coordination des acteurs (III).
Une territorialisation bicéphale
La politique d’« éducation prioritaire » est créée en 1981 sous la houlette d’Alain Savary, ministre de l’Éducation nationale, pour corriger l’« inégalité sociale ». Comme l’analyse Françoise Lorcerie (2010), la création de « zones prioritaires », qui deviennent ensuite des « zones d’éducation prioritaire » (ZEP), repose sur deux ruptures : la première est celle de l’égalité, il s’agit de lutter contre l’inégalité scolaire en faisant le choix de promouvoir une politique de « discrimination active » sur les territoires les plus paupérisés ; la seconde rupture concerne le cadre institutionnel et de nouveaux dispositifs sont promus au titre du « partenariat » et de l’action locale. Par ailleurs, le choix est celui d’un ciblage territorial – et non d’un ciblage individualisé – de l’action éducative, parce qu’il est à la fois moins coûteux et moins complexe à mettre en œuvre.
Cette territorialisation de l’action éducative fait écho aux réflexions sur la politique de la ville, qui propose une action localisée pour répondre à la paupérisation et à l’exclusion de certains territoires. Initiée en 1983, à la suite du rapport Ensemble, refaire la ville d’Hubert Dubedout, la politique de la ville promeut initialement le développement social urbain des quartiers. La question éducative reste l’apanage de l’Éducation nationale, qui ne souhaite pas que de nouveaux acteurs s’emparent de son pré carré. Si la politique de la ville s’appuie sur une opération de ciblage territorial, celui-ci se fait ainsi sans lien ni concordance explicite avec l’éducation prioritaire. Néanmoins, les acteurs locaux étatiques héritent de la gestion des zones d’éducation prioritaire et les acteurs municipaux deviennent des interlocuteurs de ces politiques.
Ce n’est qu’en 1988, avec les premiers signes de l’institutionnalisation de la politique de la ville, que cette dernière se rapproche de la politique d’éducation prioritaire. Cela se traduit par une quasi-concordance des périmètres des quartiers prioritaires avec ceux des ZEP et par la mise en œuvre de projets communs s’appuyant sur une « communauté éducative » composée des enseignants, des responsables locaux de l’Éducation nationale, des acteurs municipaux, des parents, voire des élèves. En outre, les projets définis au sein des établissements situés en ZEP peuvent émarger aux financements de la politique de la ville. Toutefois, l’Éducation nationale peine à considérer les villes comme des interlocutrices pour penser la réussite scolaire, préférant les associations d’éducation populaire comme partenaires, moins menaçantes dans l’équilibre et le partage des pouvoirs entre institutions (Lorcerie, 2010). Dans ce contexte, la dichotomie entre politique de la ville et politique d’éducation prioritaire renforce ce clivage « école »/« hors école » (Ben Ayed, 2013).
En 1997, face aux résultats médiocres des ZEP pour faire réussir les élèves, la politique d’éducation prioritaire est relancée à travers la création des réseaux d’éducation prioritaire (REP), pour promouvoir un travail partenarial entre acteurs éducatifs. Alors que l’ambition est de limiter le nombre d’établissements en REP, celui-ci augmente fortement sous la pression des élus locaux. Surtout, ce deuxième âge de la politique de l’éducation prioritaire se focalise sur l’accès à un seuil minimal de compétences pour tous les élèves. Ce recentrage sur les apprentissages scolaires ne permet pas de faire de l’école un partenaire fort de la gouvernance éducative territoriale et, donc, d’inscrire la question éducative au cœur de la politique de la ville.
La politique de la ville se structure en parallèle et s’empare peu à peu de la question éducative à travers de nouveaux cadres réglementaires formant un empilement croissant de dispositifs éducatifs (Barrère, 2013). Créé en 1998, le contrat éducatif local (CEL) est intégré au volet éducatif des contrats de ville et, à partir de 2007, aux contrats urbains de cohésion sociale (CUCS). Le CEL s’appuie sur une contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales afin de fédérer, sur un territoire, l’ensemble des actions éducatives en direction des jeunes. Un certain nombre de dispositifs – comme les réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents (REAPP), en 1999 – se développent en périphérie de l’institution scolaire, incluant les partenaires éducatifs au sens large : les parents, les acteurs de l’action médico-sociale, le secteur de l’animation, les élus, les enseignants, la Caisse d’allocations familiale, etc. En 2003, les projets éducatifs locaux (PEL) viennent renforcer les CEL, parfois en s’y substituant ou en les englobant, avec la même vocation à rassembler les dispositifs éducatifs existant sur un territoire.
Dans ce contexte, les villes s’emparent de la question éducative en investissant les temps périscolaires et extrascolaires. Les activités proposées se rapprochent de plus en plus des enjeux scolaires, avec la conduite d’actions de lutte contre l’échec scolaire, des projets de développement de la parentalité ou d’accompagnement scolaire. Dans le même temps, les villes accroissent leur rôle de lobbyiste auprès de l’État. L’Association nationale des directeurs d’éducation des villes (ANDEV), une association de « techniciens des villes » sur le champ éducatif, est créée en 1992 pour définir les bases du partenariat avec l’Éducation nationale et les services municipaux. Sur le plan politique, le Réseau français des villes éducatrices (RFVE) est créé en 1988. Initié par la Ville de Rennes, ce réseau réunit des élus (majoritairement socialistes) en charge de l’éducation dans leur collectivité, et s’inscrit dans la continuité de l’Association internationale des villes éducatrices (AIVE) [2]. Cette mise en réseau sur le territoire français est, pour les élus locaux, une manière de plaider et d’affirmer le rôle de la Ville dans l’expérience éducative, en associant les espaces d’éducation formelle et informelle et en reconnaissant le partenaire central qu’est l’école (Vulbeau, 2009). Le territoire devient l’espace au sein duquel la question de l’éducation est pensée et imaginée alors même que les constructions de la politique d’éducation prioritaire et de la politique de la ville se font plutôt en parallèle – les passerelles entre les deux restant circonscrites et limitées.
L’inachèvement de la réussite éducative
Les violences urbaines qui éclatent à l’automne 2005 conduisent les acteurs nationaux à renforcer l’articulation entre la politique de la ville et la politique d’éducation prioritaire. Depuis le début des années 2000, la politique d’éducation prioritaire est relativement délaissée et n’est pas une priorité au ministère. L’Éducation nationale est entrée dans un troisième âge de la politique d’éducation prioritaire, s’orientant sur une prise en charge de l’ensemble des populations ayant des « risques » de ne pas pouvoir développer leur « potentiel », leur « mérite » ou leur « excellence » (Rochex, 2016). C’est dans ce contexte que le programme personnalisé de réussite éducative (PPRE) est adopté pour mettre en œuvre des actions conjointes des enseignants afin de prendre l’élève en charge, en associant aussi bien les familles que certains partenaires extérieurs (dont des actions périscolaires de soutien à la scolarité). Le développement personnel des individus est affirmé, tout comme la promotion des élèves « méritants », introduisant l’« excellence » au cœur de la politique d’éducation prioritaire et reflétant l’orientation néolibérale d’une politique centrée sur la réussite individuelle plutôt que sur la lutte contre les inégalités sociales (Bongrand, 2011).
En outre, avec la loi Borloo de « programmation pour la cohésion sociale », la politique de la ville assume pleinement un volet éducatif. Le programme de réussite éducative (PRE) est créé en 2005, sans pour autant être directement lié au PPRE de l’Éducation nationale. L’émergence de ce dispositif s’appuie sur le constat d’une montée des précarités et de l’exploitation politique du thème de l’insécurité et de la délinquance (Glasman, 2010). Le PRE vise la prise en charge individualisée des enfants et adolescents en « fragilité » qui ont été repérés en milieu scolaire et qui ne bénéficieraient pas d’un environnement social, familial et culturel favorable à leur réussite [3]. Il est porté localement par des « équipes professionnelles pluridisciplinaires » au sein desquelles les travailleurs sociaux, les enseignants, les acteurs municipaux et les responsables associatifs échangent et agissent. Le dispositif repose sur l’idée d’une approche globale des difficultés rencontrées par les enfants qui implique de réintégrer la famille au centre de l’action éducative et d’amener les différents acteurs du champ éducatif à coopérer. Bien que revendiquée par les mouvements d’éducation populaire, cette notion d’« éducation globale », associée à une trop forte individualisation, peut conduire à décontextualiser la réalité sociale et économique dans laquelle l’enfant évolue et, finalement, à expliciter l’échec scolaire par une forme de responsabilité individuelle de l’enfant (ou de la famille) (Bier, 2010).
Sur le terrain, la mise en œuvre de ces PRE confère une plus grande autonomie aux acteurs locaux, tout en multipliant les espaces de décision, de négociation et de concertation. Cette mise en œuvre ne s’est pas faite sans difficulté. Si cette relance de l’éducation prioritaire a été perçue positivement par les associations d’éducation populaire, elle a été observée d’un moins bon œil par les enseignants. Dans les faits, les actions déclinées au sein des PRE sont pour la plupart des actions antérieures (accompagnement scolaire, aide à la parentalité), qui sont remobilisées dans ce cadre. Ensuite, si les PRE devaient s’inscrire au sein des PEL, la cohérence d’une articulation collective et la filiation du PRE avec le projet éducatif local furent complexes, et très hétérogènes selon les territoires, en raison de difficultés administratives, financières et organisationnelles (Laforets, 2010). En outre, la notion peu explicite de « réussite éducative » a conduit les acteurs locaux à définir l’orientation de leur projet à l’échelle de leur territoire. Cette démarche a été fortement dépendante de dynamiques partenariales déjà existantes sur le terrain (PEL, CEL, cellule de veille éducative).
Finalement, cette période se caractérise par une « pédagogisation » de la politique de la ville (Ben Ayed, 2013), par un nouvel âge du partenariat éducatif entre scolaire, médico-social et urbain, et par le passage d’une politique d’éducation prioritaire à visée territoriale à une politique d’éducation à visée individuelle. La politique de la ville peine à faire converger un traitement par l’Éducation nationale et par les acteurs locaux de l’enjeu de la « réussite éducative » (Frandji, 2011). La loi pour la Refondation de l’école de 2013 offre un nouvel élan à la place des acteurs locaux dans la réussite éducative, et en particulier pour les villes.
Des municipalités en manque de légitimité ?
Pour plusieurs élus locaux socialistes, l’arrivée de François Hollande à la tête du pays a été une opportunité pour faire reconnaître leur place centrale dans les politiques éducatives – en attestent les relations nouées entre une partie des signataires de l’appel de Bobigny et le cabinet de Vincent Peillon, dans le cadre de la préparation de la loi de Refondation de l’école adoptée en 2013 (Lebon, Monet, 2017). Cette nouvelle loi a élargi la focale des inégalités scolaires en prônant la continuité éducative par le décloisonnement des acteurs (Éducation nationale, collectivités territoriales, associations) et la coordination et la coopération dans le traitement des politiques éducatives des territoires. L’articulation avec la politique de la ville est affirmée avec trois objectifs communs : l’égalité réelle, la lutte contre les inégalités et la réduction des écarts de réussite entre les élèves [4]. Si les deux périmètres, quartier politique de la ville et éducation prioritaire, ne se superposent pas complètement [5],l’Éducation nationale contribue à la politique de la ville avec les dispositifs « Plus de maîtres que de classes », le soutien à la scolarisation des moins de 3 ans ou encore à travers des actions en direction des parents. En outre, la politique de la ville s’investit dans la réussite éducative avec le soutien aux PRE, les parcours d’éducation artistique et culturelle et surtout, la généralisation des projets éducatifs de territoire (PEDT).
Les PEDT sont affirmés au sein de la loi de Refondation de l’école, aux côtés d’actions de lutte contre le décrochage scolaire, le développement des outils numériques ou encore la rénovation des programmes scolaires. L’objectif des PEDT est de réunir dans un même lieu tous les acteurs éducatifs d’un territoire, et donc de faire le lien entre les différents dispositifs existants. Pour autant, la mise en place des PEDT a coïncidé avec la modification des rythmes scolaires dans l’enseignement du premier degré, une réforme qui a accaparé et cristallisé les débats éducatifs. Du fait de cette mise en œuvre simultanée, beaucoup d’acteurs éducatifs ont confondu la réforme des rythmes scolaires et la territorialisation des politiques éducatives, d’autant plus que les PEDT ont été présentés comme un outil de mise en œuvre de cette réforme, avec des conditions de financements de l’État et de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) liées aux nouvelles modalités du périscolaire. Dès lors, les débats dans les territoires ont porté sur la nouvelle gouvernance et sur l’organisation de la semaine, et non pas sur les problématiques d’inégalités scolaires et sociales que la loi avait pour ambition de solutionner (Frandji, Morel, 2017). Le contenu des activités mises en place et la manière dont celles-ci s’articulent (ou non) avec les apprentissages scolaires ont finalement été peu traités dans les territoires. Ainsi, une forme de standardisation et d’uniformisation a touché l’ensemble des PEDT, le désamorçage des conflits se faisant principalement par le retranchement des acteurs dans des prérogatives oppositionnelles (Rancon, 2016), l’école valorisant son rôle privilégié d’instruction et l’animation cherchant à valoriser et légitimer la valeur éducative du « ludique ». La notion de « réussite éducative » n’est pas parvenue à dépasser les enjeux de positionnement et d’opposition entre les acteurs éducatifs au niveau local, et les acteurs politiques au niveau national.
Dans ce contexte, les échanges entre les acteurs des PEDT et les acteurs des PRE ont peiné à s’établir. Alors que l’on a insisté sur le caractère parallèle de la politique d’éducation prioritaire et de la politique de la ville, le développement des PEDT n’a pas véritablement permis de créer, au niveau d’un territoire, une unique instance de dialogue et de réflexions sur ce qu’est une politique éducative territoriale. Si l’Éducation nationale est partie prenante des échanges au sein des PEDT de certaines villes, les actions menées dans le cadre du PRE ont continué d’être adossées aux actions menées dans le cadre du PEDT, sans passerelle ni lien explicite (PoLoc, 2015). Ainsi, le lien entre politique de la ville et politique d’éducation prioritaire a souffert, une fois encore, d’une mauvaise articulation et d’un dialogue relativement limité entre les acteurs locaux de la « réussite éducative ».
Les nouvelles articulations entre les actions publiques nationale et locale induisent de nombreuses problématiques concernant les nouvelles formes de division du travail éducatif. L’institution scolaire et les collectivités locales doivent bouleverser leurs anciennes pratiques tout autant que leur place et leur spécificité, afin de faire évoluer leurs missions, leurs finalités et leurs visées d’égalité et de justice. La redéfinition du processus éducatif et la nécessité d’une coordination locale impliquent que l’institution scolaire considère l’école comme s’inscrivant dans des territoires administratifs, culturels et sociaux à prendre en compte. De la même manière, les collectivités héritant de compétences dans le domaine éducatif ne doivent pas rester passives sur la définition des modalités et du contenu. Le sentiment de « non-légitimité » propre à l’acculturation progressive des territoires sur le sujet rend difficile un positionnement comme véritable partenaire de l’institution scolaire, développant une politique ambitieuse de réussite éducative.
Conclusion
Avec les PEDT, les municipalités ont affirmé leur place dans les politiques de réussite éducative sans être en capacité de les articuler systématiquement avec les PRE, soulignant la construction parallèle et le rapprochement complexe de la politique de la ville et de la politique d’éducation prioritaire. Finalement, le « nouvel ordre éducatif local » (Ben Ayed, 2009) se traduit par des logiques plurielles, parfois concurrentes, d’acteurs qui s’emploient à agir en matière d’éducation dans les territoires. Le caractère morcelé et empilé des dispositifs qui visent à la réussite éducative conduit dès lors à brouiller la compréhension de ce que doit être une politique de la ville ambitieuse pour la réussite éducative. Dans le rapport Vivre ensemble, Vivre en grand pour une réconciliation nationale que Jean-Louis Borloo a remis au président de la République, une série de recommandations vise explicitement l’école, telles que la promotion de la scolarisation des moins de 3 ans, le soutien aux dispositifs de réussite éducative et d’aide aux devoirs, et le rôle de pivot des PEDT dans le développement d’innovations pédagogiques et d’expérimentations locales. L’école est une fois encore affirmée par la politique de la ville comme un acteur majeur dans la lutte contre la ségrégation urbaine et sociale. En outre, cette spatialisation toujours accrue des politiques éducatives peut constituer un moyen pour évacuer la question sociale au profit d’explications plus « culturalistes, communautaires » (Ben Ayed, 2013) et individuelles des inégalités scolaires et sociales.
Anouk Flamant, Anne Francou,Théo Schepens
Observatoire PoLoc (septembre 2018)
Notes
[1] Voir par exemple sur ce point, la manière dont le rapport du CNESCO Inégalités sociales et migratoires. Comment l’école amplifie-t-elle les inégalités ? (2016) a pu faire l’objet d’interprétations multiples.
[2] Ce réseau international affirme dès 1994 des valeurs comme « l’égalité, la participation citoyenne, l’éducation à la paix et au développement durable ».
[3] Note de cadrage de la Direction interministérielle à la Ville (DIV) du mois d’avril 2005 pour la mise en œuvre du programme « Réussite éducative ».
[4] Document iconographique « Articulation éducation prioritaire/Politique de la ville », extrait du dossier thématique Les Questions éducatives dans le cadre de la politique de la ville, publié par Ville et Territoires Languedoc-Roussillon en juin 2016 (p. 22).
[5] 9 élèves sur 10 en éducation prioritaire habitent toutefois en quartier « politique de la ville ». DEPP, données nationales, 2013.
Références bibliographiques
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