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"L'éducatif local" : un renouveau des réseaux de l'éducation populaire ?

17 octobre 2016 (Paris)

Séminaire de recherche sur l’éducation populaire organisé par le GRREP.
Intervention de Véronique Laforets, docteure en sociologie (Université de Savoie).

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Source : https://grrep.wordpress.com/

Compte-rendu de l'intervention de Véronique Laforets


Véronique Laforets est sociologue, elle a soutenu une thèse en sociologie intitulée « L'éducatif local. Les usages politiques du temps libre des enfants» en 2016.  

La question du séminaire, et posée dans la thèse de Véronique Laforets, est la suivante : est-ce que l’éducatif local est un renouveau des réseaux d’éducation populaire ? Autrement dit, est-ce que la mobilisation locale autour de l’éducation se traduit par des modalités nouvelles d’action des fédérations d’éducation populaire ?

D’emblée, Véronique Laforets indique que son enquête révèle qu’on ne peut pas parler d’un renouvellement de l’éducation populaire mais plutôt d'expériences nouvelles et novatrices aux marges de l’éducation populaire au niveau local.

La chercheure s’est focalisée sur l’action des fédérations d’éducation populaire regroupées au sein du collectif Cape (Collectif des associations partenaires de l’école) qui sont impliquées dans l’éducatif local. Son travail empirique s’appuie sur la mobilisation de trois matériaux : un questionnaire passé auprès de 600 professionnels de l’éducatif local (95 questions fermées et ouvertes), des entretiens (40 avec des élus, des représentants d’institutions, de professionnels des collectivités territoriales et des fédérations) et un travail d’archives.

Plusieurs résultats particulièrement intéressants ont été évoqués (profil des adjoints chargés de l’éducatif, utilisation locale des ressources des fédérations d’éducation populaire, perceptions des fédérations d’éducation populaire par les professionnels locaux).

Nous souhaiterions insister sur deux d’entre eux : l’utilisation des ressources de l’éducation populaire par les professionnels associatifs de l’éducatif local et le renouveau de l’éducatif local.

1. Tout d’abord, l’enquête par questionnaire fait ressortir qu’entre les professionnels de l’éducatif local, ceux qui ont le plus recours aux ressources de l’éducation populaire sont les plus diplômés et ceux qui ont une socialisation de formation mixte (universitaire et professionnelle).

Pour la chercheure, les ressources offertes par les fédérations d’éducation populaire constituent des appuis identitaires pour ces professionnels ayant reçu une formation mixte. Surtout, s’ils ont recours à ces ressources, cela reste relativement circonscrit (seulement 40% des professionnels du secteur associatif interrogés).

En effet, les professionnels du secteur associatif rencontrés déclarent être de plus en plus sollicités pour administrer des structures et moins pour produire une réflexion en des termes pédagogiques. Dans ce contexte, les compétences pédagogiques sont de moins en moins recherchées lors des recrutements, contrairement aux compétences administratives et d’organisation. Le profil des nouveaux professionnels du secteur associatif s’est donc modifié , avec une recrudescence d’acteurs issus des formations de science politique ou de l’économie sociale et solidaire et non, comme cela a pu être le cas auparavant, des métiers de l’animation.

De plus, l’enquête menée auprès des fédérations d’éducation populaires révèle un éloignement croissant de celles-ci des réalités du terrain et des difficultés pour offrir des ressources face aux enjeux rencontrés au quotidien par les professionnels du secteur associatif (municipalisation des services, poids de l’école dans la réflexion éducative au détriment du loisir), en particulier dans les territoires de la politique de la ville. Les résultats de son questionnaire montrent comment les professionnels associatifs interrogés privilégient des ressources produites par la politique de la ville au sein de laquelle les questions pédagogiques sont secondaires. Ce constat soulève la question des effets d’une telle dynamique sur les quartiers en politique de la ville.

2. Ensuite, selon Véronique Laforets, le renouveau existe bien au niveau local mais se situe aux marges de l’éducation populaire et des municipalités.

On trouve un foisonnement d’initiatives avec des associations dites communautaires, religieuses (scouts catholiques, israélites, musulmans), la fondation des Apprentis d’Auteuil ou encore des initiatives portées par le mouvement de gauche ou d’extrême gauche (pédagogie sociale). Ce foisonnement d’associations est mal évalué car celles-ci ne sollicitent que très ponctuellement les collectivités territoriales pour leurs projets et vivent de fonds privés.

La dimension « service » est peu présente pour ces associations, de longues plages d’accueil sont proposées, les activités proposées sont peu nombreuses et simples et l’accent est mis sur le collectif. Quant au personnel encadrant, ce sont moins leurs compétences professionnelles qui sont valorisées par les parents que la permanence dans le temps des encadrants.

Pour la chercheure, trois raisons principales expliquent le développement de ces initiatives :

  • ces organismes visent la formation des enfants dans et par l’action (apprentissage de la vie commun, respecter l’autre) et suivent sur le temps long les enfants.
  • les projets éducatifs locaux se sont notamment traduits par une diminution du temps d’accueil et par la mise en place de système numérique de communication, à la croissance de la notion de parcours individualisé. Cette tendance privilégie les familles appartenant aux classes moyennes et supérieures car pouvant être entendues et donc mieux prises en compte dans ces projets que les familles populaires. Or, ces associations, en valorisant les temps d’accueil et les projets collectifs, parviennent à nouer avec ces familles populaires et constituent des relais éducatifs dans des territoires délaissés par les institutions classiques.
  • les politiques locales d’éducation sont très en lien avec l’école tandis que certaines de ces initiatives associatives peuvent transmettre des valeurs, des références culturelles ou religieuses qui n’ont pas de place à l’école. Les familles qui sollicitent ces associations échappent finalement pour une part à la cohérence éducative, d’autant plus que les actions engagées se distinguent du cadre scolaire (collectif en autonomie, cadre moins serré). 

Enfin, la chercheure a conclu sur le fait que les PEL lui apparaissent comme étant de plus en plus intégrés à l’école, en se focalisant sur l’enjeu de la réussite éducative, et souvent scolaire, des enfants. Cette dynamique lui paraît s’être renforcée avec la mise en place des récents PEDT tandis que la réflexion sur le temps libre est de moins en moins pensée à travers un intérêt et un sens propre mais en lien et en complémentarité avec le projet d’école.

Ce séminaire particulièrement riche et stimulant nous questionne et nous invite à lire plus amplement les travaux de Véronique Laforets sur l’éducatif local. Il invite aussi à poursuivre la recherche sur l’évolution des PEDT, près de deux ans après leur mise en œuvre, et sur leurs implications sur les politiques locales d’éducation.  

Anouk Flamant, Observatoire PoLoc (décembre 2016)