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1866-2016 : 150 ans d'éducation populaire, et après ?

8 avril 2016 (Lyon)

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La Fédération des Œuvres Laïques du Rhône et de la Métropole de Lyon, à l’invitation de la métropole de Lyon et à l’occasion des 150 ans de la Ligue de l’Enseignement, a organisé le 8 avril 2016 à la Métropole de Lyon, une journée d’échanges et de débats sur l’éducation populaire. Cette journée  été l’occasion de mettre en perspective et en débats les liens entre l’éducation populaire et l’éducation nationale, d’un point de vue autant historique que prospectif sur les « alliances » construites et à construire dans le cadre du système éducatif républicain.

En introduction aux journées, Antoine Quadrini, Président de la F.O.L 69 a rappelé que la Ligue de l’enseignement est, depuis sa naissance (1866), une ligue POUR l’éducation. A cette époque, Jean Macé pose les actes de son fondement en lançant un grand appel au rassemblement de « tous ceux qui souhaitent l’éducation du peuple » dans l’objectif de garantir la démocratie, dans le principe du suffrage universel. C’est dans le contexte de ses 150 ans, dans une société en permutations rapides et constantes, et face aux défis que rencontrent nos sociétés contemporaines, que la métropole de Lyon et la F.O.L 69 ont souhaité lancer un débat sur la place et les enjeux de l’éducation populaire. Dans son programme, la F.O.L 69 insiste sur l’idée que « nous vivons, comme le souligne Michel Serres, rien moins que la troisième révolution profonde de l’humanité. Après celle de l’invention de l’écriture, puis celle de l’invention de l’imprimerie, nous vivons celle du savoir disponible partout et tout le temps, dans un « village planétaire » désormais en sursis […]. Face à quoi nous devons interroger nos fondamentaux et tenter de nous situer au sein de ce phénomène ».
En intervention liminaire des journées, Françoise Moulin-Civil, rectrice de l’Académie de Lyon a rappelé que, dans le projet de la loi de refondation de l’école, l’éducation est désormais pensée comme un « projet global » devant faire converger l’ensemble des acteurs éducatifs des territoires autour d’un objectif partagé, dans lequel les associations ont une place importante. Etienne Butzbach, coordinateur de la conférence nationale pour l’éducation, animateur des tables rondes de la journée, a insisté sur l’importance d’une mobilisation pour une éducation globale, dans un objectif de réduction des inégalités scolaires.

Dans la table ronde, Gérard Moreau, secrétaire général d’Académie honoraire et membre du comité national d’éducation, a parlé quant à lui d’ « alliances » éducatives, qui, au-delà de la notion de complémentarité éducative, insiste sur le partenariat entre les acteurs « dans l’intérêt des enfants ». A ce titre Jean-Marie Krosnicki, inspecteur d’Académie adjoint, a fait un rappel sur les liens historiquement construits entre l’éducation populaire et l’éducation nationale, à une époque notamment où les enseignants étaient aussi, pour une bonne partie d’entre eux, des militants de l’éducation populaire et organisaient les temps péri et extrascolaires à destination des élèves. Les mises à disposition d'enseignants au sein des fédérations d’éducation populaire ont aussi encouragé l’hybridité des professionnalités, qui s’est cependant distendue avec l’institutionnalisation du métier d’animateurs dans les années 1960-70. Il met alors en évidence l’importance de renouer les liens entre les deux espaces et acteurs éducatifs, dans l’objectif d’une école plus inclusive et soucieuse « de la prise en compte des besoins particuliers ». Du côté des associations d’éducation populaire, dont Jean-Yves Langanay, membre du CAPE, s'est fait le porte-parole, ce sont aussi les liens entre les différentes associations qui ont commencé à se mettre en place nationalement, notamment à travers le collectif représenté, né au printemps 2012 quand Vincent Peillon a lancé le chantier de Refondation de l’école. Il a cité les actions menées dans l’Académie de Lyon, notamment la contribution au projet académique, la contribution écrite au dossier d’accréditation de l’ESPE et nombre de rencontres, réunions et ateliers de production autour de différentes problématiques éducatives. Enfin, dans le cadre de cette première table ronde, Franck Levy, conseiller municipal à la ville de Lyon, a aussi mentionné les partenariats entrepris avec les fédérations d’éducation populaire avec la ville, dans le cadre du PEL et du PEDT, ce dernier portant sur trois grands axes d’orientation : le droit à l’éducation, la lutte contre les discriminations, et la coéducation, la cohérence éducative.

A la suite, Eric Favey, vice-président de la Ligue de l’enseignement et Inspecteur Général de l’Education Nationale, a été invité à faire une conférence sur « L’école et l’éducation populaire, complémentarités et alliances ». Prenant appui sur les concepts philosophiques d’Hannah Arendt pour mettre en exergue le concept même d’éducation, il explique que l’éducation consiste à la fois à « s’adapter » et à « s’arracher » ; "s’adapter" pour prendre place, entrer dans « le monde commun », dans une société qui nous préexiste, et "s’arracher" à un destin qui serait prédéfini, se situer dans un monde à construire. Pour lui, les alliances éducatives nécessaires entre l’éducation nationale et l’éducation populaire, en tant qu’elles constituent deux formes d’éducation (dans leurs formes variées) reposant sur la fabrication collective des savoirs, doivent se construire autour de trois grands principes :

  •  des alliances DANS l’école pour que l’objet scolaire soit mieux traité et l’objectif de l’école mieux rempli, dans lesquelles on retrouve l’alliance entre l’institution et les parents 
  • des alliances POUR l’école pour que les apprentissages prennent sens et puissent être confortés pour tous les enfants.
  • des alliances pour le territoire en tant que l’éducation constitue un investissement collectif. : « amplifier l’effort d’éducation pour nourrir l’arrivée au monde, […] s’inscrire sereinement dans un monde incertain ».

Eric Favey a rappelé que ces alliances doivent produire des « désaccords féconds » capables de fixer des orientations collectives et partagées à partir d’interpellations réciproques. Mais il n’a pas été sans rappeler qu’il ne peut y avoir d’alliance sans respect réciproque : « nous ne serons utiles à la République que si nous sommes indépendants dans nos possibilités critiques […] pour redonner à l’éducation une perspective émancipatrice qui pourra redonner confiance en l’école ». Son discours a posé la question des alliances, non seulement comme modalité d’action nécessaire à l’action publique contemporaine, mais aussi comme condition visant à rétablir l’éducation comme un élément d’émancipation et des possibilités de vivre mieux (référence au vivre bien et à l’ouvrage d’Edgar Morin, Enseigner à vivre, manifeste pour changer l’éducation, 2014) : « les alliances éducatives doivent permettre à chaque enfant de pouvoir s’émerveiller, chaque jour, d’au moins une chose, et de s’indigner au moins une fois ». Il a terminé sa conférence en citant Jean Zay, pour qui le loisir est avant tout le loisir de penser ; loin du loisir de consommer.
La journée d’échanges s’est terminée par une intervention d’Anne Brugnera, adjointe à l’éducation de la ville de Lyon, et par la diffusion du film réalisé par Jean-Michel Djian La fabrique du citoyen : une histoire républicaine de la Ligue de l’enseignement, qui retrace les événements clés de l’histoire de la première fédération d’éducation populaire, de la lutte pour l’école publique, laïque et obligatoire de la moitié du 19ème siècle à ses pratiques actuelles dans un lien toujours étroit avec l’éducation nationale, pour participer à une éducation démocratique et émancipatrice.

Compte-rendu réalisé par Sidonie Rancon (avril 2016)