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7èmes rencontres nationales des projets éducatifs locaux

8-9 mars 2017 (Brest)

RNPEL 2017Les Rencontres nationales des PEL sont organisées par la ville de Brest et les Francas, en partenariat avec le Réseau Français des Villes éducatrices (RFVE), la Ligue de l'enseignement et l’Association Nationale des Directeurs de l’éducation des Villes (ANDEV).

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Source : http://www.francasbzh.fr/wp-content/uploads/2017/01/Programme-RNPEL2017.pdf

Compte rendu

Les 7emes Rencontres nationales des PEL de Brest portaient sur la problématique Education et territoire : des Pedt aux Projets locaux d’éducation : des démarches structurantes d’une action éducative de qualité. Ces rencontres ont permis aux différents acteurs éducatifs de s’interroger sur les enjeux de la territorialisation de l’action éducative, dans un contexte de généralisation des Pedt (1). Deux conférences, une table ronde, six ateliers et deux forums ont permis de faire émerger un grand nombre de questionnements autour de la qualité des actions éducatives, de leur évaluation, de la gouvernance, des alliances éducatives, de la professionnalisation, etc.

RNPEL2017 DJacquemainEn ouverture, Yann Guével, adjoint au maire de Brest, a mis l’accent sur les apports des Pedt dans l’action éducative territoriale : selon lui, la réforme des rythmes scolaires aurait eu le grand mérite de réinterroger les manières de faire des acteurs éducatifs, d’engager une réflexion collective qui a abouti, bien souvent, à la construction de projets éducatifs partagés. Prenant l’exemple des projets d’école, il a rappelé que la concertation entre enseignants et animateurs relevait de l’utopie il y a quelques années. Pour autant, Yann Guével a mis en garde sur le fait que les Pedt, bien qu’inscrits dans la loi, pouvaient être remis en question lors des prochaines échéances électorales… Le discours de Didier Jacquemain, délégué général des Francas, a pris des airs de bilan : il a rappelé les dix dernières années d’engagement des Francas en faveur de l’émergence de politiques éducatives locales, jusqu’à leur inscription dans la loi en 2013. Selon Didier Jacquemain, les Pedt ont encore besoin d’une action militante, réaffirmant le rôle émancipateur de l’éducation populaire. C’est tout le sens du manifeste 2017 élections ensemble pour l’éducation ! élaboré par les Francas en direction des différents candidats aux élections présidentielles (2).

De l’intervention filmée de Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, on retiendra la mise en place d’un groupe de travail national sur les métiers de l’animation , étape dans le processus de professionnalisation de la filière. Enfin, Maurice Corond, animateur du Comité national d’orientation (CNO) des rencontres des PEL, a notamment souligné l’importance pour les acteurs éducatifs de maintenir l’équité éducative sur les différents territoires, dans un souci de justice sociale. 

Conférence d’Eric Favey (8 mars 2017)


RNPEL2017 EFaveyEn préambule, le vice-président de la Ligue de l’enseignement (et Inspecteur général de l’éducation nationale) a questionné les termes d’éducation, de territoire, de politique éducative. Il a précisé qu’il est bien question dans ces rencontres d’éducation au sens large, et non pas strictement d’école. Quant au terme territoire, il est selon lui souvent réduit au sens de « local », alors que l’on vit à une échelle mondialisée.
Eric Favey a rappelé le rôle à la fois intégrateur et émancipateur de l’éducation, citant d’abord un passage de La crise de la culture d’Hannah Arendt puis Paul Ricoeur (avec sa formule « adaptation-désadaptation » dans la formation des individus). Il a détaillé ensuite les enjeux actuels de l’éducation territorialisée qui sont culturel (le bagage culturel de chacun, en devenir), social (justice sociale), démocratique (place de chacun dans la cité, implication des citoyens), économique (capacité de satisfaire les besoins collectifs et individuels) et anthropologique (évolution de la vie humaine, souci d’humanisation croissante lié au risque de déshumanisation). Eric Favey constate la montée actuelle des « angoisses éducatives », relayées par des slogans politiques dangereux. Dans ce contexte, comment permettre aux enfants de trouver leur place dans le monde ? On empêche aussi de « trouver les marges de manœuvre pour penser les projets éducatifs de demain ».
Selon Eric Favey, les enjeux de la territorialisation sont mieux perçus qu’il y a quelques années. Le territoire représente l’« incarnation d’un monde commun possible » qui contient un grand nombre de richesses parfois sous-évaluées. Le territoire est aussi le cadre de la coopération des acteurs éducatifs qui permet de fabriquer, de renforcer du lien ). Il résume les conditions de la coopération en quatre mots : se connaître, se reconnaître, dialoguer, se compléter. La question nouvelle qui se pose aujourd’hui est celle des alliances et de l’interaction entre les acteurs (et non plus la simple coopération). Pourquoi s’allier ? Pour l’école (ce qui implique qu’elle accepte de dire ce qu’elle est, ce qu’elle fait, sa mission) ; pour les temps libres (périscolaire, associations) ; pour un projet éducatif global de territoire (le plus difficile à réaliser).
Eric Favey a conclu son intervention par quelques pistes de réflexion :
- le choix du périmètre du Pedt induit de fortes différences : quelle tranche d’âge ? quel échelon territorial ? Seule l’articulation entre le scolaire et le périscolaire doit être prise en compte ?
- il n’existe pas de vraie articulation entre le projet d’école et le Pedt (au mieux une juxtaposition).
- la place des acteurs et leur combinaison : quelle professionnalisation ? Quelle place pour les volontaires, pour les parents et pour les habitants ?
- comment faire vivre la gouvernance démocratique localement ?
- l’ouverture au monde et la circulation sont sous-estimées lors de l’élaboration des Pedt, elles sont pourtant des facteurs déterminants dans la connaissance du monde et des autres.
- comment penser les évolutions des politiques publiques pour que l’équité en matière d’éducation soit garantie ? Faut-il être coercitif, et pas seulement incitatif ?

Table-ronde : de la généralisation des Pedt à leur évaluation (8 mars 2017)


Ont été livrés les premiers résultats d’une enquête nationale commandée par le Ministère de la ville, de la jeunesse et des sports, sur l’impact des Pedt sur les collectivités, enquête réalisée par deux cabinets de consultants (Enéis conseil et Education et Territoires).
La méthodologie : mise en place d’un référentiel d’évaluation ; élaboration d’un questionnaire (5 grands axes) ; envoi du questionnaire à l’ensemble des collectivités qui ont signé un Pedt. Le taux de réponse est de 38%. En parallèle, des analyses de terrain dans 5 départements ont été conduites (20 collectivités touchées).
Un premier constat : le mot Pedt recouvre des réalités différentes, selon l’importance plus ou moins grande donnée aux TAP-NAP et/ou périscolaire.
Les principaux enseignements de l’enquête :
- pour 52% des collectivités, le Pedt a été le premier projet formalisé dans le domaine de l’éducation. A l’inverse, pour les communes qui avaient déjà une offre structurée, voire un PEL, le Pedt a permis de relancer une dynamique.
- la mise en place de dispositifs d’évaluation ou de suivi dans les collectivités, avec la difficulté pour certaines d’interpréter les données, en particulier les petites communes rurales.
- pour la moitié des collectivités , les GAD étaient peu identifiés au moment de l’élaboration des Pedt. En revanche, la CAF et les IEN sont très souvent cités comme appuis. Deux types de GAD ont été identifiés sur les territoires : un GAD technique qui rassemble DDSC, CAF et DSDEN (phase d’élaboration) et un GAD élargi à l’éducation populaire, aux parents d’élèves (phase d’évaluation).
- la part de l’intercommunalité est importante, elle représente 40 % des communes signataires d’un Pedt. Dans certains cas, la mutualisation a permis la création d’un poste de coordonateur du Pedt. Dans d’autres, l’intercommunalité fait craindre la perte de l’ancrage local du Pedt.
- la qualité de l’offre : un effort significatif de diversification de l’offre est constatée, qui bénéficie avant tout aux TAP ; et un effort de structuration de l’offre (mise en place de cycles, avec des familles d’activités). Parfois cela a conduit à une surprogrammation, voire une scolarisation des nouveaux temps. L’enquête ne dit rien, en revanche, sur les contenus éducatifs proposés, ce qui limite l’éclairage sur les dynamiques éducatives portées.
- dans 40% des Pedt, il n’est pas prévu que les enfants puissent choisir les activités (objectif de découverte). Dans 30% des cas, l’enfant n’a pas la possibilité de ne pas participer aux activités (par manque de moyens principalement).
- la complémentarité éducative est souhaitée majoritairement, mais sa mise en œuvre est plus complexe. Les temps de concertation ont lieu davantage entre directeurs d’école et intervenants qu’entre enseignants et intervenants. Les relations interpersonnelles au sein de l’école jouent sensiblement dans la dynamique
- la qualification des intervenants : dans 60% des collectivités, des parcours de formation (type BAFA) ont été prévus afin d’améliorer la professionnalisation.

Conférence de Michel Lussault ( 9 mars 2017) 


RNPEL2017 MLussaultLe président du Conseil supérieur des programmes a précisé d’emblée ce qu’il entend par « éducation » : non pas le strict champ scolaire (l’école au sens d’institution scolaire) mais plutôt « le champ social global où se croisent l’ensemble des parties prenantes dont l’activité est de faire apprendre des connaissances et compétences ». Prenant appui sur deux citations - un extrait des Feuillets d’hypnose de René Char (« Notre héritage n’est précédé d’aucun testament ») et une citation d’Hannah Arendt commentant la première (« Sans testament, aucun passé n’est assigné à l’avenir… ») - Michel Lussault s’est interrogé sur l’état de la réflexion autour de l’éducation. Déplorant que bien souvent les discours politiques s’enferment dans un passé révolu, la question éducative selon lui manque d’ambition au niveau politique, les débats dans les médias ne sont pas à la hauteur des enjeux, la réflexion collective est globalement indigente.
Michel Lussault s’est employé à détailler quelques éléments de diagnostic des « troubles » actuels :
- une organisation scolaire trop centralisatrice et bureaucratique avec un fort corporatisme ( le fameux « mammouth »)
- la géographie sociale a changé (métropolisation, mondialisation, multiculturalisme) avec une montée des ségrégations urbaines et scolaires. L’école est ainsi devenue un instrument d’assignation.
- la forme scolaire française (héritée des Jésuites) conditionne les activités péri et extra scolaires. On fonctionne encore sur une logique de transmission maître-élève, les autres modes de transmission étant jugés « secondaires »
- le rapport à la vérité a changé (multiplication des sources, manipulation) ; le statut du savoir est remis en question ; la vérité scientifique ne s’impose plus.
- le manque d’utopie dans l’éducation. On projette trop de valeurs dans l’école et pas assez de finalités d’apprentissage. Or, ce sont les connaissances qui font acquérir des valeurs.
Michel Lussault a indiqué ensuite quelques leviers susceptibles d’aider à sortir de cette crise de sens :
- quels communs scolaires ? C’est à cette question que s’est efforcé de répondre le socle commun de connaissance, de compétence et de culture. Le président du CSP a rappelé qu’il a été écrit du point de vue de ce que l’élève doit faire et maîtriser et qu’il a été conçu pour un public non scolaire.
- comment déségréguer le système scolaire ? La question de la mixité sociale à l’école doit associer l’enseignement privé, levier majeur. Mais il semble que la volonté politique n’y soit pas.
- Il est nécessaire de pouvoir échanger entre partenaires éducatifs pour définir des objectifs partagés. Mais ces instances de débat manquent, au sein même des établissements scolaires.
- quelle évaluation du système éducatif ? Elle manque cruellement en France, et quand elle existe, on n’en tient pas suffisamment compte. Même chose concernant l’évaluation des rythmes scolaires.

Cette édition 2017 a proposé une nouveauté : deux temps de forum, sous forme de stands consacrés aux projets et actions éducatives locales. L’occasion d’échanger directement avec une quarantaine d’acteurs éducatifs issus des collectivités, du secteur associatif, de l’éducation populaire, des services de l’Etat, et de s’inspirer d’initiatives provenant de toute la France dans le domaine culturel, numérique, citoyen, etc.
Enfin, chaque participant a pu suivre un atelier parmi les six proposés :

  • Diversité ou porosité des formes éducatives ?
  • Action éducative locale et équité territoriale
  • Territorialisation de l’action éducative et inégalités scolaires et sociales
  • Participation des parents, participation des public, participation des citoyens, l’animation de processus démocratique
  • L’éducation populaire, une plus-value pour le service public d’éducation
  • Gouvernance et pilotage : les distinguer pour mieux les articuler

 A partir de ces deux riches journées où se rencontrent acteurs de terrain, chercheurs et institutionnels, nous proposons quelques questionnements pour poursuivre les débats. Les journées ont cherché à appréhender les questions posées par la mise en oeuvre des PEDT au regard de ses avancées en matière de justice sociale. Face au constat du creusement des inégalités, notamment les inégalités d'apprentissages scolaires, comment décliner des politiques éducatives ambitieuses à l’échelle du territoire ? Le terme d'"alliance éducative" semble progressivement s'imposer dans le débat public. Mais comment incarner cette alliance ? La reconnaissance de la légitimité des différents acteurs éducatifs de culture professionnelle différente est-elle acquise par tous et partout ? La prise en compte de la dimension éducative des temps de loisirs notamment est un long processus. Partager des objectifs communs en matière d'éducation est apparu dans les débats comme un enjeu fort des projets éducatifs locaux.
Une autre question  a émergé : comment favoriser la participation des citoyens, y compris ceux qui sont les plus éloignés de l’école, aux débats et à l’élaboration des projets éducatifs ? La participation des différents acteurs au projet éducatif local, notamment les parents mais aussi les jeunes et les habitants d'un territoire constitue un vrai enjeu démocratique. Quels espaces, quelles démarches peuvent favoriser la prise de parole de ces différents acteurs éducatifs ? Les questionnements qui émergent autour de la territorialisation de l’action éducative se sont portés également sur la gouvernance et le pilotage :  comment articuler au mieux l’action de l’Etat et celle des collectivités ? Quels espaces sont propices à des dynamiques  de coconstruction ? Enfin, la question des inégalités territoriales est posée. Comment les politiques éducatives  territoriales  peuvent-elles être des leviers pour lutter contre la ségrégation spatiale ?
Ces quelques questionnements sont loin d’épuiser la totalité des problématiques abordées durant ces journées.

Anne Francou, Observatoire PoLoc (mars 2017)

Notes
(1) 92% des communes ont un Pedt (chiffres du MEN 2016)
(2) Manifeste disponible en ligne à l’adresse : http://www.francas.asso.fr/Hub/Portail/FRANCAS_PUB.nsf/0/C825F29029E6A04FC12580D0003B0090/$File/elections_2017.pdf