Le Parlement éducatif de Toulouse : éléments de compréhension

Jean-Luc Lods est directeur de l’éducation de la ville de Toulouse depuis novembre 2014.
Frédéric Decourt est directeur-adjoint en charge du projet éducatif de territoire et des réseaux.Tous deux ont la charge du Parlement éducatif de Toulouse.
Les propos qui suivent sont issus d’entretiens menés avec eux.

• L’ « alliance éducative » - la gouvernance du Parlement éducatif

La volonté politique d’une construction commune du Pedt existait dès sa préparation et donc bien avant la signature du Pedt (1). Dès le départ, l’objectif a été de renforcer l’alliance entre les différents partenaires éducatifs, de leur donner la parole, au-delà de l’injonction institutionnelle (2). L’ensemble des partenaires, du scolaire, du périscolaire et de l'extrascolaire mais aussi des parents d'élèves, des services municipaux s’est réuni pendant un an et a pu établir un diagnostic sur l’ensemble du territoire, avant de rédiger le contenu programmatique du Pedt. Le Parlement éducatif, instauré officiellement en février 2016, est la concrétisation, comme instance de gouvernance, du travail de diagnostic partagé et de co-écriture du Pedt par l’ensemble des partenaires impliqués pendant cette année de travail.
Le Pedt n’a pas été pensé comme quelque chose de figé, le document formalisé ne constituant pas une fin en soi. Dans cet esprit, le Parlement éducatif permet notamment de réfléchir de façon collective aux évolutions à apporter au Pedt (qui, pour l’instant est écrit en direction des 2-11 ans), lequel s’inscrit dans une politique éducative plus large (les adolescents).
Le Parlement est bien entendu sous la responsabilité municipale, le comité des élus donnant les grandes orientations. Mais le mode de gouvernance a été pensé comme ouvert. Les séances sont animées par les partenaires, parfois en co-animation : ce peut être un directeur d’école, un directeur de fédération d’éducation populaire, un acteur du contrat de ville, etc.
Le Parlement est une instance de parole. Une de ses fonctions est que les acteurs se rencontrent et puissent échanger, au-delà de leur statut, et exprimer leurs différences. Le terme revendiqué d’ « alliance » reflète la volonté de créer du lien entre les partenaires, de nouer une relation durable.

• Les membres du Parlement éducatif

Au lancement du Pedt, 140 membres étaient impliqués : fédérations d’éducation populaire, parents d’élèves, représentants de l’éducation nationale, etc. Maintenant, on est plus proche des 200 personnes, puisque la dynamique créée conduit maintenant d'autres parents d’élèves notamment à rejoindre le Parlement éducatif. Les séances sont organisées les mercredis après-midi, avec en moyenne 50 à 70 personnes présentes.

• Le déroulé, le contenu des séances 

Les thèmes des séances sont choisis collectivement et les participants s’inscrivent dans un des trois groupes de travail. La présence peut varier, mais on retrouve un « noyau dur » dans chaque groupe.
Les séances commencent généralement par un temps d’information, la présentation d’un dispositif, d’une action, suivis des interventions des différents partenaires. Ensuite, des ateliers plus restreints sont formés (d’une vingtaine de personnes) qui ont comme objectif d’aboutir à une production commune (2 heures).
Les premières séances du Parlement ont porté sur la compréhension des contrats qui engagent la ville en matière éducative (contrat de ville, contrat enfance-jeunesse, ou encore labellisation « ville amie des enfants ». L’enjeu était au départ une meilleure compréhension commune des politiques éducatives menées par les différents services. Le Parlement éducatif a travaillé sur les 15 ans des CLAE (3), un temps fort qui s’est traduit par le premier Printemps éducatif de Toulouse. Un autre groupe travaille sur l’actualisation de l’offre de parcours éducatifs en direction des scolaires.
Un travail important a été mené également autour de l’évaluation des activités péri et extra scolaires. Une première évaluation avait été menée en 2007, essentiellement destinée aux parents. Cette fois-ci, plus de 700 enfants ont été interrogés sur la base d'une grille d'évaluation élaborée avec les membres du Parlement.

• La parole des enfants et des familles

Quel regard portent les enfants sur les activités proposées ? Un groupe du Parlement éducatif a souhaité axer l’évaluation des activités péri et extra scolaires sur la parole des enfants, ce qui n’avait pas été envisagé en un premier temps par la municipalité. L’évaluation a donc été enrichie de ce volet-là. Le Parlement a été étroitement associé à l’élaboration du cahier des charges (méthodologie, questionnement), qui a été confié ensuite à une équipe d’évaluateurs de la collectivité. Le panel a porté sur 700 enfants. Le dépouillement est en cours. Un des points intéressant est que certains enfants établissent un lien entre ce qui est fait à l’école et le CLAE.
In fine, la prise en compte de la parole des enfants correspond aux objectifs du Parlement de faire en sorte que toutes les voix puissent être entendues.

• La charte des métiers de l’éducation

Toulouse a une offre périscolaire qui s’est structurée au fil du temps. Le Pedt a été l’occasion de requestionner certains éléments au sein même de la collectivité. Le processus a été enclenché dès la fin de la rédaction du Pedt. La première approche a été globale, à savoir réfléchir sur la continuité des temps de l‘enfant dans la journée. Ensuite, des groupes de travail d’agents (ATSEM, adjoints techniques, directeurs de périscolaire, animateurs) ont été créés dans une approche multimétiers autour des obligations des agents (taux d’encadrement, hygiène et sécurité, normes alimentaires, etc.). Puis la réflexion s’est recentrée sur chaque métier : comment mettre en lien les temps de l’enfant avec les différentes facettes des métiers ? Pour la direction de l’éducation, cela a été l’occasion de revisiter les horaires de présence, les coordinations, les chaînes hiérarchiques, les temps face à l’enfant, les évolutions à envisager. Ce travail a débouché sur une évolution des rythmes de travail, des temps de concertation, de coordination, de préparation des activités périscolaires, de la composition des équipes tout au long de la journée, etc. L’objectif est que les équipes d’animation, en particulier les directeurs de CLAE, deviennent de véritables interlocuteurs auprès des directeurs d’école.
Les groupes de travail ont concerné presque 1300 agents (soit la moitié du personnel). Concernant les ATSEM, il y avait une attente des enseignants, des ATSEM et des parents de pouvoir suivre les enfants sur la journée. Certaines évolutions sont apparues au fur et à mesure des échanges. La charte des métiers a été présentée au Parlement éducatif puis validée en comité technique de la ville. Un dispositif de formation va être mis en place, notamment avec l'ensemble des parties prenantes, et notamment les directeurs de CLAE et les directeurs d'école.
La formalisation de la charte des métiers a permis de structurer des liens qui existaient déjà, en les systématisant.

• Le Printemps éducatif

Faire savoir et faire voir les activités éducatives sont les principaux objectifs du Printemps éducatif (2è édition) : conférences, expositions, moments festifs sont au rendez-vous. Un comité de projet composé des membres de l’alliance éducative a procédé à la sélection des actions à valoriser : actions réalisées dans le cadre des temps périscolaires ou extrascolaires (centres de loisirs), dans les CLAE (sciences, numérique, musique) avec une ouverture aux parents, remises de prix, etc. D’autres temps sont réservés aux professionnels et aux membres du Parlement éducatif : par exemple une conférence sur l’égalité filles-garçons destinée aux directeurs de CLAE, un colloque sur la coéducation qui rassemblera professionnels, parents et universitaire pour une réflexion commune. Le Printemps éducatif s’inscrit pleinement dans le Pedt, en valorisant les initiatives et en proposant des temps de réflexion autour des enjeux éducatifs.
A noter qu’il couvre également les actions en direction des plus de 11 ans (au-delà de la tranche d’âge concernée par le Pedt).

• « Une meilleure connaissance et reconnaissance des partenaires »

C’est la formulation à laquelle a abouti un atelier de travail à la fin de la rédaction du Pedt. En effet, les différents partenaires du Pedt sont arrivés avec leurs propres représentations, leurs préjugés, certains pensant certainement que leur parole valait davantage que celle des autres… Or, dès le départ, chaque partenaire a été considéré comme l’égal des autres. Dans certains groupes, les acteurs qui ne se connaissaient pas ne se sont pas présentés (consigne délibérée de l’animateur). Une situation emblématique de ce qu’a pu permettre cet « anonymat » de départ : une directrice d’école REP de l’enseignement public et un directeur de CLAE du secteur privé ont établi un dialogue très constructif autour d’objectifs éducatifs partagés et sont parvenus à une position très proche. « Je te reconnais en tant que professionnel », au-delà de la fonction et du statut, est un levier qui permet de dépasser les représentations et préjugés. Cet enjeu va même au-delà de la question de la représentativité.

• La place de l’éducation nationale – la place des parents

Dès le projet d’écriture du Pedt, l’éducation nationale a été partie prenante. Les IEN ont incité les directeurs d’école à s’impliquer dans le projet. Les logiques de construction commune sont amenées à se développer. Prochainement, la direction de l’éducation va intervenir dans la formation initiale et continue des directeurs d’école, autour de la politique éducative et du Pedt de Toulouse.
Les fédérations de parents d’élèves ont été associées à l’élaboration du Pedt. Elles sont présentes au Parlement. Afin d’élargir la participation des parents, tous les parents d’élèves élus sont appelés pour participer.
Certains parents ont pu se sentir au départ peu à l’aise face à des professionnels. L’élément déclencheur a été sans doute l’évaluation des activités péri et extra scolaires, où ils ont vu qu’ils avaient toute leur place. L’adhésion des parents au projet éducatif est fondamentale pour la réussite des enfants.

• La question de la transversalité - la posture de la direction de l’éducation

L’élaboration du Pedt a impliqué différents services de la municipalité dont la direction Enfance loisirs, la direction de la culture, la direction des politiques de solidarité et, bien entendu, la direction de l’éducation qui a piloté le projet. Il n’était pas acquis d’emblée que ces services parviennent à travailler ensemble.
Il y a eu une volonté politique avec un comité de tous les élus. Ces derniers ont joué sur une chronologie concordante des outils contractuels : le contrat Enfance jeunesse et le contrat de ville devaient être renouvelés en même temps que s’élaborait le Pedt. Il aurait été insensé de traiter ces dossiers séparément. La direction de l’éducation, plus gros service de la municipalité et pilote du projet, s’est interrogée sur la meilleure posture à adopter pour parvenir à fédérer l’ensemble des équipes. Le parti-pris a été de ne pas adopter une posture dominante par rapport aux autres services, mais plutôt de jouer le jeu de la transversalité. De fait le Pedt a créé de la transversalité entre les différents services.

 Propos recueillis par Anne Francou (mars 2017)

Notes
(1). Le Pedt a été signé en décembre 2015
(2). La liste des membres du Pedt est consultable dans l’annexe 1 du Pedt : http://www.toulouse.fr/documents/148835/9673833/PEDT.pdf/001e74a9-d2ca-46b9-b106-cb8c76f859e0
(3). CLAE = Centre de Loisirs Associé à l’école. A Toulouse, chaque école est dotée d’un CLAE.