Entretien avec Rozenn Merrien
Rozenn Merrien est présidente de l'Association Nationale des Directeurs d'Education des Villes Site de l'ANDEV |
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Vous êtes à la tête de l’ANDEV, et directrice de l’enfance à la ville de Saint-Denis. Quel est votre parcours ?
Rozenn Merrien : Pendant mes études, j’ai travaillé dans l’animation (accueils de loisirs, maisons de quartier, centres sociaux), ce qui m’a amenée à m’intéresser aux questions éducatives. A l’issue de mes études, je suis entrée dans les collectivités locales, où j’ai eu différentes expériences professionnelles, toutes en région parisienne. Le point commun de chacun de ces postes est que j’ai eu en charge la gestion de l’action éducative locale.
Qui l’ANDEV représente-t-elle ? Combien d’adhérents compte l’association à ce jour ?
Rozenn Merrien : L’ANDEV est un réseau professionnel de fonctionnaires territoriaux. A ce jour, l’association compte 326 adhérents, essentiellement des directeurs de l’éducation (ou des cadres de l’action éducative locale) des villes. La majorité des villes représentées ont entre 20 000 et 50 000 habitants, même si nous comptons parmi nos adhérents des villes de plus de 100 000 habitants et, parfois, des villes de moins de 5000 habitants. Quelques départements figurent aussi parmi nos adhérents. On voit arriver un nouveau type d’adhérents : les intercommunalités qui ont en gestion la compétence éducative, notamment en milieu rural ou périurbain.
Quels sont les objectifs, les valeurs portés par l'ANDEV ?
Rozenn Merrien : L’ANDEV est née en 1992, suite aux lois de décentralisation. Il s’agissait, à l’époque, de faire reconnaître l’implication des villes dans l’éducation, de prouver en quelque sorte leur légitimité à intervenir sur ce champ-là. Depuis, le contexte a changé ! La réforme des rythmes éducatifs a conforté la légitimité des villes sur le volet éducatif. Les préoccupations de nos adhérents ne se limitent plus à la question de la relation ville-école, mais plus largement à l’animation d’un projet territorial global en direction de l’enfant et du jeune, qui correspond aux contours du Pedt.
L’un des grands objectifs de l’ANDEV est de constituer un réseau de mutualisation, de partage d’expériences pour l’ensemble des collègues.
Quels sont les champs de compétence d’une direction de l’éducation d'une ville ?
Rozenn Merrien : Les collectivités ont en charge la construction des écoles, leur entretien, la restauration scolaire, le personnel technique (Atsem, etc.). Dans les évolutions récentes des missions éducatives des communes, l’animation du projet éducatif de territoire est la grande nouveauté. Les directions de l’éducation ne sont pas toutes structurées de la même façon, même si, au final, elles regroupent les différents services qui couvrent la vie du jeune sur le territoire. Une direction de la vie scolaire va plus s’occuper des relations ville-école, une direction de l’enfance des questions de la petite enfance, etc., tout en faisant partie d’une direction de l’éducation.
Quel regard portez-vous sur la généralisation des Pedt ? Considérez-vous que les Pedt constituent une avancée ? Si oui, jusqu’à quel point ?
Rozenn Merrien : Les villes s’étaient déjà engagées sur des projets éducatifs, à travers les contrats éducatifs locaux (CEL), les projets éducatifs locaux (PEL) ou globaux (PEG) qui envisageaient déjà l’enfant dans sa globalité. L’arrivée des Pedt et leur généralisation a légitimé la ville dans son rôle d’animation et de pilotage du projet éducatif local, dans sa capacité à fédérer les synergies des différents acteurs. C’est en cela que les Pedt constituent une vraie avancée sur l’ensemble des territoires.
L’ANDEV vient d’organiser son congrès 2016 sur le thème "Parents, ville, école : construire une alliance éducative, utopie ou réalité ?" Pourquoi ce choix ?
Rozenn Merrien : Nous nous sommes réunis à Brest, ville qui est engagée de longue date sur la question de la participation (et pas seulement la participation des parents) et qui a pu mettre en avant des expériences locales intéressantes. D’autre part, des études récentes ont montré l’importance de l’implication des familles dans la réussite éducative et dans la lutte contre les inégalités scolaires. Nous avons donc choisi de traiter cette question qui est un enjeu fort. Dans le cadre du projet éducatif de territoire, le triangle éducatif parents-ville-école est central. Quelle place laisse-t-on aux familles ? Comment aller à la rencontre non pas du parent idéal mais du « parent réel » selon les termes de Pierre Périer ? Comment passer d’une démarche de participation des parents au projet éducatif à une démarche d’appropriation ? Il s’agissait avant tout pour nous de réinterroger nos pratiques et nos représentations.
Quelle expérience de terrain fait figure de "bonne pratique" ?
Rozenn Merrien : On peut citer une initiative menée à Brest où les parents ont été reconnus comme interlocuteurs compétents et pertinents au sein de la communauté éducative. Il s’agit d’un chantier En associant les parents, tous les enfants peuvent réussir mené par Mille et un territoires et soutenu par le CUCS de l'agglomération brestoise et par le PEL de Brest (1). Cette initiative a montré comment les parents ont pris toute leur place dans l’élaboration même du projet.
Comment s’articule l’action des directions de l’éducation avec l’éducation nationale ? Avec les acteurs associatifs du territoire ?
Rozenn Merrien : Les acteurs locaux de l’éducation nationale sont, avec les familles, les premiers partenaires des directeurs de l’éducation depuis de nombreuses années. Les relations mises en place sont spécifiques à chaque collectivité. Cependant, on peut dire que les choses ont évolué : on est passé d’un climat globalement de « défiance », où la collectivité était considérée par l’Education nationale comme un simple « prestataire », à une relation plus équilibrée. La réforme des rythmes scolaires a permis un travail plus partagé, même si les situations ne sont pas identiques partout. Les relations se jouent quotidiennement entre cadres mais aussi entre acteurs du terrain, au sein de l’école et en dehors de l’école, dans le cadre du projet éducatif de territoire. L’organisation des temps éducatifs de l’enfant, la complémentarité, la continuité sont des éléments très concrets mis en œuvre au quotidien, qui nécessitent que les acteurs travaillent ensemble afin que les enfants réussissent.
Quels sont les chantiers à venir de l'ANDEV ?
Rozenn Merrien : On souhaite poursuivre la réflexion engagée au congrès de Brest sur la place des familles dans les politiques éducatives locales. Comment le parent d’élèves, et plus largement le citoyen, peuvent s’approprier la chose publique ? On est très soucieux également de pouvoir avancer avec différents acteurs comme le CNFPT et l’Espé sur la question des formations partagées, les temps de rencontres où les différents acteurs d’un territoire peuvent se retrouver pour travailler ensemble. On regarde également du côté du collège par le biais du cycle 3 (CM1-CM2-6è), pour amener plus de cohérence. La question de l’évaluation des Pedt nous interroge également. Nos adhérents sont particulièrement soucieux de la mise en place de la deuxième génération des Pedt. L’Andev a lancé, dans le sillage de l’enquête nationale menée par le Ministère de la ville, de la jeunesse et des sports, une enquête auprès de ses adhérents intitulée Réforme des rythmes éducatifs, Pedt et évolutions des pratiques professionnelles. Nous prévoyons la publication des résultats de l’enquête courant mars 2017.
Propos recueillis par Anne Francou, décembre 2016
Note (1). Pour plus de détails sur ce chantier, cliquer ici