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Le regard de Sandrine Rome

En quoi consiste votre mission ?

Sandrine Rome : Je suis coordonnatrice de réseau d’éducation prioritaire (REP) depuis six ans. C’est un poste que j’occupe à temps plein. Mon action consiste d’une part à assister, dans leur mission de pilotage, les responsables de réseau d’éducation prioritaire, à savoir le principal du collège Paul Eluard, M. Hivet, et l’inspectrice de l’Education Nationale de circonscription de Tarbes Ouest chargée du dossier Education prioritaire et Politique de la Ville, Mme Meissonnier. Et, d’autre part, à animer le réseau, à accompagner, à conseiller et à former les personnels enseignants avec l’aide des conseillers pédagogiques et de l’animateur informatique. Ainsi, bien que tout enseignant puisse postuler pour devenir coordonnateur REP, il est vivement recommandé d’être titulaire d’un certificat d’aptitude aux fonctions de formateur. De plus, il est indispensable d’avoir un sens aigu du travail en équipe. D’ailleurs, « Ensemble, développons et soutenons la motivation des jeunes à s'engager dans leurs apprentissages et la réussite » est en quelque sorte la devise du REP de Tarbes.
Le réseau d’éducation prioritaire de la ville de Tarbes comprend le collège Paul Eluard (en tant que tête de réseau), deux écoles élémentaires (Jules Verne et Jean-Jacques Rousseau) et quatre écoles maternelles (Frédéric Mistral, Jacques Prévert, Charles Perrault et Louise Michel). La maternelle Louise Michel a la particularité de faire partie du groupe scolaire Jean Macé dont les deux autres écoles sont situées en Politique de la ville mais pas en REP. Mais pour une meilleure cohérence pédagogique, nous associons l’ensemble des écoles de ce groupe scolaire dans la globalité du projet du REP.
Le projet 2015- 2019 du REP de Tarbes s’inscrit dans le référentiel national de l’éducation prioritaire. Son volet n°3 - Mettre en place une école qui coopère utilement avec les parents et les partenaires pour la réussite scolaire - se traduit par la conception et la mise en œuvre d’actions inscrites dans le cadre de la Politique de la Ville (par exemple, le Programme de Réussite Educative, le Contrat Local d’Accompagnement à la Scolarité, le projet Point Parents, le dispositif Ouvrir l’Ecole aux Parents pour la Réussite des Enfants, etc.) Ainsi, pour ces actions, nous associons au projet du REP, les écoles des quartiers situés en « politique de la ville » mais pas en éducation prioritaire.
Je suis en quelque sorte l’intermédiaire entre les responsables du REP et les équipes sur le terrain.

Quels sont vos liens avec le Point Parents ?

Sandrine Rome : le Point Parents est une action parmi d’autres du volet n°3 du projet du REP. Cette action est co-pilotée par l’Education nationale et la Ville de Tarbes. Elle a démarré en 2009, faisant suite au constat que les enseignants du Réseau de Réussite Scolaire de l’époque (ex-REP) avaient tendance à porter seuls la responsabilité de la réussite éducative des enfants et que réciproquement, les parents avaient tendance à trop « compter » sur les enseignants. Améliorer la coopération Ecole-famille, mais aussi la coopération entre les parents est devenu un axe transversal du projet 2009-2012 d’éducation prioritaire de Tarbes. Pour aider à atteindre les objectifs visés, le grand chantier national « En associant leurs parents tous les élèves peuvent réussir » avait fourni alors un cadre de travail, des outils, en vue d’améliorer la coopération avec les parents en collaborant avec les partenaires de proximité (1).
Je suis arrivée en 2010-2011 sur ma mission actuelle. Le Point Parents existait depuis environ un an. Les premiers bilans ont montré que les enseignants connaissaient le Point Parents ; ils y étaient très favorables puisqu’ils avaient participé à sa création mais ils ne s’en saisissaient pas pleinement. Certes, tous (i.e. enseignants, parents, partenaires) étaient d’accord sur le principe de travailler ensemble mais malgré le soutien et l’impulsion des responsables du REP et de la Ville de Tarbes, la mise en pratique était plutôt timide. En 2010, on était encore dans la nouveauté et l’expérimentation locales avec les hésitations qui l’accompagnent. Le concept de « pacte de réussite éducative » n’était pas affirmé comme aujourd’hui avec la loi de Refondation de l’école. Ceci expliquant peut-être cela. 
Quoi qu’il en soit, nous avons alors pris la décision de lancer une vaste campagne de formation intercatégorielle. Nous avons travaillé avec l’aide d’un chercheur, le professeur Alava de l’université de Toulouse Jean Jaurès, dans le cadre d’une recherche-action et avec le soutien financier de la Fondation de France. Pendant trois ans, l’Office Central de Coopération à l’Ecole 65, des travailleurs sociaux de la DDCSPP, de la SAGV (2) et moi-même avons formé tous les enseignants du premier degré ainsi qu’une partie des enseignants du collège du REP sur la problématique : « Pourquoi et comment coopérer avec les parents ? ». Il s’agissait d’une formation inter-catégorielle à laquelle ont participé les directeurs et animateurs des temps périscolaires, la Maison départementale de la solidarité, l’antenne des travailleurs sociaux de la Maison Départementale de la Solidarité et de la CAF, des acteurs associatifs, la médecine scolaire, l’assistante sociale et le Service de santé et le Service social en faveur des élèves et des parents du comité de parents (3) : tous partenaires du REP de Tarbes. Il y a eu un grand engagement de la part des responsables de l’Education nationale, de la Politique de la ville, de la Fondation de France et des acteurs du terrain, pour permettre le renouvellement de cette formation de quatre jours, trois années de suite. Au final, ce fut une grande réussite.

Quels ont été les bénéfices de ces co-formations ?

Sandrine Rome : Tout d’abord nous avons constaté un apaisement du climat scolaire, avec une forte diminution des violences dans les établissements. Les enseignants n’hésitent plus à aller voir les parents quand ils ont un problème avec un élève, et essaient de créer un dialogue constructif en leur donnant la parole, en cherchant une solution avec eux. Auparavant, les parents étaient convoqués à l’école, au collège seulement quand il y avait un problème, ce qui entretenait les tensions. De l’autre côté, les parents osaient rarement rencontrer les enseignants de leur propre initiative. Parfois même, les rencontres étaient vouées à l’échec dès le début, et le conflit l’emportait.
Désormais, des entretiens individualisés ont été instaurés deux fois par an, au cours desquels enseignants et parents co-construisent le projet d’accompagnement de l’élève, ce qui permet de souder les relations entre l’Ecole et la famille et de rassurer l’enfant. Si besoin, les partenaires de l’Ecole aident à rapprocher l’Ecole et les parents. Enfin, les partenaires des écoles et du collège se concertent et parfois collaborent pour mettre en œuvre des actions d’accompagnement à la parentalité. Les points positifs : les parents viennent plus volontiers à l’école, et les enseignants ont le réflexe de travailler « avec » les parents (et plus « à la place » des parents) et de coopérer vers les partenaires.
Un autre impact a été que l’absentéisme, du moins en primaire, a quasiment disparu. En revanche, l’impact sur les résultats scolaires n’est guère visible.

Quel est le rôle du Point Parents  pour l’école ?

Sandrine Rome : Certains parents restent malgré tout éloignés de l’école. Dans ces cas-là, l’établissement contacte les médiatrices sociales du Point Parents qui se chargent d’accompagner ces parents dans leurs liens avec l’école. Ils préparent l’entretien à venir avec eux, les accompagnent si besoin à l’école, les aident dans leurs différentes démarches, etc.

Quels lieux d’accueil sont prévus pour les parents dans l’enceinte de l’école ?

Sandrine Rome : Au niveau du premier degré, une antenne du Point Parents a été créée. Elle est annexée à l’école Jules Verne, au cœur du Réseau d’éducation prioritaire. Fort de cette expérience du premier degré, le collège a souhaité lui aussi se doter d’une antenne du Point Parents dans ses murs. Des permanences notamment sont assurées par les partenaires, par exemple la ville de Tarbes, pour s’entretenir avec les enseignants ou les parents. Un local a été affecté au Point Parents à côté du réfectoire dans un espace « neutre ». Certains parents, en effet, sont réticents à pénétrer dans le bâtiment réservé aux apprentissages, comme s’ils étaient intimidés. Cet espace neutre, convivial, qui ne ressemble pas à une salle de classe, est bien adapté.
Des formations sont également proposées aux parents dans l’enceinte de l’école, autour de l’apprentissage du français par exemple, ou de l’informatique.

Participez-vous au comité technique du Point Parents ?

Sandrine Rome : Oui, bien entendu, l’Education Nationale en tant que partenaire de la Ville de Tarbes et co-pilote du Point Parents, participe à cette instance. Les responsables du REP (i.e. le principal du collège, l’inspectrice de circonscription) sont souvent présents. Je les accompagne ou je les représente. Selon les besoins de l’ordre du jour, des directeurs d’école et les partenaires socio-éducatifs de proximité sont également invités. Durant ces comités, nous échangeons, nous analysons les situations, nous produisons des bilans, nous faisons des propositions innovantes ou d’ajustement. Il s’agit parfois de demander des moyens (humains, financiers) pour mettre en place des actions. En dernier lieu, les décisions sont validées par les chefs de service et les supérieurs hiérarchiques concernés.

Quelles sont les perspectives ?

Sandrine Rome : On peut dire que la collaboration coopération Ecole-famille-partenaires est sans aucun doute positive sur le REP de Tarbes. Elle est entrée dans les habitudes de travail des acteurs de la réussite éducative des enfants. Un acteur néanmoins n’a pas été assez sollicité : c’est l’enfant. Les co-éducateurs travaillent certes ensemble, mais l’enfant-élève n’est pas rendu assez acteur de sa réussite. Souvent, les décisions sont prises à la place de l'enfant, sans le consulter, sans s’assurer de son engagement, ce qui peut entraîner chez lui un manque de motivation. Certes, l’enfant est inscrit à une activité, la suit, mais ne s’implique pas forcément (il est passif voire opposant). Pire, au collège, il fait croire à ses parents qu’il suit une activité d’accompagnement à la scolarité après les cours mais n’y va pas… L’absence de motivation chez certains élèves peut aller jusqu’au désintérêt face aux apprentissages scolaires et l’absence de projet d’avenir, ce qui interroge. C’est peut-être là la limite du dispositif actuel.
Notre objectif est donc désormais d’impliquer l’enfant dans sa propre réussite. Il s’agit qu’enseignants, parents, partenaires travaillent "avec" l’enfant et non plus "sans" ou "à la place de" l’enfant. C’est pourquoi le REP de Tarbes, les parents et partenaires prévoient de repartir sur une nouvelle recherche-action centrée la (re)motivation de l’élève, en quête de réflexion et de nouveaux outils sur cette thématique, en complément de l’action menée sur la parentalité.

Notes
(1) Sur l'origine du Point Parents, voir le début du dossier  
(2) SAGV = Solidarité Avec les gens du Voyage. Pour plus d'informations consulter le site de l'association : http://www.sagv65.com/
(3) Sur le comité de parents, voir plus haut

Propos recueillis par Anne Francou - juillet 2016