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EDUCATION PARTAGEE : Voie de l’Avenir - Jean-​​Claude GUERIN - PRISME

ÉDUCATION PAR­TAGÉE : VOIE DE L’AVENIR

La refon­dation pri­mor­diale de l’école et l’aménagement des temps de vie des enfants et ado­les­cents (éducatifs et sco­laires, sociaux et de loisirs) engagent tous les acteurs de l’éducation à se construire une repré­sen­tation commune et par­tagée du projet d’éducation sur leur ter­ri­toire de vie et d’activités.

"Après le pain, l’Éducation est le premier besoin du peuple" DANTON

Les reven­di­ca­tions, les inter­ro­ga­tions, les polé­miques, autour de l’école et des ques­tions éduca­tives signi­fient que l’éducation dite nationale est à un tournant et qu’il s’agit d’un enjeu social et poli­tique d’envergure.

Un enjeu qui dépasse les conser­va­tismes et les dis­putes, encore trop pola­risées sur l’école et ses annexes, alors qu’il s’agit d’ouvrir des approches et des chemins nou­veaux pour des trans­for­ma­tions néces­saires et indis­pen­sables dans l’accès aux savoirs et à l’inclusion sociale de tous. Un enjeu indi­viduel et social, dans l’intérêt de chacun des enfants et des jeunes comme de celui des rela­tions humaines et de la vie col­lective de notre société. L’éducation, au sens global du terme, concerne l’ensemble de la popu­lation et tous les champs éducatifs.

Assumer cet enjeu, aujourd’hui, c’est apporter une vision col­lective d’un nouveau modèle, celui de la construction d’une éducation globale, inclusive et par­tagée, sup­posant ainsi soli­da­rités et coopé­ra­tions en actua­lisant le modèle "Fer­ryste" du partage de l’éducation entre école, familles et éducation populaire.

La loi de juillet 2013 sur la refon­dation de l’École définit les orien­ta­tions, les buts et le cadrage de pro­fonds chan­ge­ments de l’École en pro­lon­geant, com­plétant et élar­gissant les avancées opérées par celle de 1989. Elle prend place dans un pro­cessus dont les pré­mices appa­raissent, dans la der­nière décennie du XXème siècle, avec la notion de "res­pon­sa­bilité par­tagée" qui se déve­loppe dans plu­sieurs domaines ins­ti­tu­tionnels concernant la famille, la ville, la santé, les jeunes, et… l’éducation au sens large.

Dans ce pro­cessus, la loi ouvre ces chemins nou­veaux vers les coopé­ra­tions entre tous les acteurs et pro­fes­sionnels inter­ve­nants dans les champs éducatifs. En ce sens elle devient une loi "sociétale" d’intérêt général. En d’autres termes la loi ne pourra se com­prendre et surtout s’appliquer que si elle s’inscrit plus expli­ci­tement dans ce para­digme nouveau d’éducation partagée

Si la loi fixe clai­rement et per­ti­nemment des prin­cipes essen­tiels, ceux-ci ne suf­fisent cependant pas pour répondre effi­ca­cement aux enjeux face à la réalité et pour l’avenir. Il ne suffit pas d’affirmer, en pétition de principe, que "les fon­de­ments d’une École juste, exi­geante et inclusive sont désormais posés et la loi crée les condi­tions de l’élévation du niveau de tous les élèves et de la réduction des inéga­lités". Encore faut-il aborder les ques­tions du pourquoi, du comment et dans quelles conditions.

UN CONTEXTE MOUVANT : MUTA­TIONS ET INCERTITUDES

Le contexte dans lequel l’éducation est inter­rogée, est tout à la fois culturel, social, écono­mique, géos­tra­té­gique, scien­ti­fique et tech­no­lo­gique. Contexte mouvant, souvent incom­pré­hen­sible, marqué du sceau de la com­plexité et où les repères deviennent flous voire disparaissent.

Depuis les pre­mières crises de la décennie 1970, le paysage social et écono­mique, a pro­fon­dément changé et change constamment et parfois brus­quement sous l’effet notamment de la glo­ba­li­sation (mon­dia­li­sation) et des tech­no­logies de l’information et de la com­mu­ni­cation (internet). Des évolu­tions cultu­relles et sociales nom­breuses, parfois pré­ci­pitées, en par­ti­culier de l’urbanisation, du travail, de l’allongement de la durée de la vie et des trans­for­ma­tions de la famille. La prise de conscience pro­gressive de l’enjeu écolo­gique en termes d’avenir de la planète devient source d’inquiétude.

Entre le pes­si­misme catas­tro­phique et le décli­nisme remâché, qui décou­ragent et le volon­ta­risme des coups de menton et des mots chocs qui inquiètent, n’est-il pas temps de "penser ce qui vient" et de redonner espoir ?

N’est-il pas temps de prendre l’exacte mesure des muta­tions en cours pour les com­prendre, les maî­triser et se mobi­liser pour opérer, concrè­tement, les chan­ge­ments d’orientation pour une société plus démo­cra­tique voulant l’émancipation des per­sonnes dans un avenir collectif ?

L’éducation par­tagée est l’appui pour ce nouvel horizon et support de cette mobi­li­sation, au car­refour de toutes les muta­tions, au fon­dement même du vivre et agir ensemble.

Elle vise en effet de répondre aux enjeux de ce qui vient  :

  • l’éducation de tous pour répondre aux besoins de déve­lop­pement (per­sonnel et col­lectif) et agir pour réduire les inéga­lités, mais une éducation renou­velée et élargie dans le cadre et la pers­pective d’une éducation tout au long de la vie

  • la ter­ri­to­ria­li­sation des poli­tiques éduca­tives pour être au plus près des besoins des indi­vidus, mobi­liser l’ensemble des res­sources (humaines et maté­rielles) et déve­lopper les synergies et partenariats

  • la démo­cra­ti­sation des pro­cé­dures et des modes de fonc­tion­nement par les projets, le dia­logue et l’échange notamment inter­gé­né­ra­tionnels en par­ti­culier en déve­loppant l’éducation par­tagée.

Par rapport aux raisons et aux objectifs (notamment ceux de la loi sur la refon­dation) beaucoup d’éléments demandent du temps pour être exa­minés, pros­pectés, dis­cutés et prendre forme pour s’appliquer (par exemple les pro­grammes ou le socle). Plus important encore : nombre des mesures annoncées ou qui s’appliquent et se mettent en œuvre comme sur les temps des enfants sur la semaine (temps familial, temps d’activités for­melles ou infor­melles, temps sco­laires…) et leurs contenus et orga­ni­sation montrent de mul­tiples mal­en­tendus ou incom­pré­hen­sions, des contes­ta­tions parfois légi­times souvent de mau­vaise foi. Dif­fi­cultés qui paraissent dues, pour une grande part, à un manque d’explicitation et une insuf­fi­sance de concer­tation entre les dif­fé­rents acteurs.

Mais surtout à la timidité ou la cécité devant une double exigence :

  • la refon­dation de l’École est insé­pa­rable d’une conception d’ensemble de l’Éducation et donc du champ dans lequel elle se conduit

  • l’Éducation doit répondre et satis­faire, en premier lieu, aux besoins de l’enfant et de l’adolescent et donc s’adresser à l’intégrité de la personne.

Double exi­gence qui nécessite de définir les dif­fé­rents milieux et envi­ron­ne­ments du champ éducatif, concernés dans les espaces et les temps où il y a éducation et comment ceux-ci s’articulent en dis­tin­guant formel, non formel et informel.

Un champ qui obéit à deux prin­cipes poli­tiques essen­tiels d’ordre démocratique :

- l’Éducation est UN DROIT de tous sans exception qui doit en consé­quence per­mettre l’accès de chacun quelles que soient ses ori­gines, ses condi­tions, ses spé­ci­fi­cités, son âge

- l’Éducation est l’AFFAIRE de TOUS en tant que parents, pro­fes­sionnels, asso­ciatifs, urba­nistes, élus, acteurs économiques….et bien évidemment jeunes eux-mêmes.

Si la loi ne pose pas ces ques­tions de manière explicite c’est, pro­ba­blement, le reflet d’un manque d’élaboration col­lective et trans­versale entre tous les acteurs ins­ti­tu­tionnels. L’éducation ne com­mence ni s’arrête aux portes de l’école. Manque qui apparaît souvent aussi au niveau local et gêne les col­lec­ti­vités dans leurs poli­tiques. Or la refon­dation et l’aménagement des temps dépendent d’une mobi­li­sation et d’une cohé­rence, au niveau local, de toutes les poli­tiques publiques concernant les enfants, les jeunes, la santé, les trans­ports, l’habitat etc.

N’y a t-il pas urgence poli­tique et devoir de res­pon­sa­bilité, dans la situation de flou actuelle,d’offrir cette vision col­lective du para­digme de construction d’une éducation globale, inclusive et partagée ?

L’ÉDUCATION, BIEN COMMUN ?

L’Éducation, dans les dif­fé­rents domaines qui concourent au déve­lop­pement de chaque individu au sein de la société, devient un bien commun fondamental.

Un bien qui doit être acces­sible et offert à tous quels que soient les lieux, les ori­gines et les caté­gories sociales L’éducation est à la base de toute société qui cherche l’épanouissement de ses membres tant indi­vi­duel­lement que collectivement

De ces prin­cipes découlent trois impli­ca­tions : l’éducation, quel que soit le domaine où elle s’exerce et ses acteurs est une res­pon­sa­bilité col­lective, elle doit être inclusive, elle suppose soli­darité et coopé­ration.

Les poli­tiques à élaborer puis mettre en œuvre sont de trois niveaux : national, régional et local. Elles partent de valeurs huma­nistes et éman­ci­pa­trices ; elles reposent sur une pra­tique démo­cra­tique d’échanges et de mise en relation de tous les acteurs concernés. Elles réclament de s’appuyer sur des ini­tia­tives, des mobi­li­sa­tions, des inno­va­tions non seulement tolérées mais sou­tenues et encou­ragées. Une telle vision et de telles pra­tiques doivent être affi­chées et expli­citées clairement.

Répétons le : l’enjeu de l’éducation par­tagée est à la fois culturel, social, écono­mique et démo­cra­tique. Face aux dif­fi­cultés qu’affronte notre pays, l’éducation par­tagée, ins­crite dans la pers­pective d’éducation et de for­mation tout au long de la vie, est l’outil prin­cipal pour résister aux crises, défricher de nou­veaux chemins et pré­parer l’avenir.

Il est crucial de prendre la mesure de ce qui est en cours sur la planète et qui modifie pro­fon­dément notre tissu social et affecte autant les vies de chacun-e. Notre pays (comme d’autres, notamment en Europe) est très direc­tement percuté par les muta­tions pro­fondes entraînées par la mon­dia­li­sation. Nous sommes face à un ancien ordre des choses qui se fissure tandis que le nouveau se dessine ou se fraie son chemin au travers de sou­bre­sauts. Les crises sont pra­ti­quement toutes sys­té­miques à l’échelle mon­diale, sur­plombées par un climat qui subit les effets de l’exploitation pro­duc­ti­viste des ressources.

L’éducation par­tagée s’inscrit et fait lien avec l’engagement à par­ti­ciper contenu dans les agendas 21 qui ins­ti­tuent la prise en compte des "parties-prenantes" pour passer d’un projet "sur" un public à un projet éman­ci­pateur, établi "avec" les per­sonnes concernées, qui déve­loppe les res­sources au lieu des les tarir !

Faire de l’éducation une priorité cor­respond à un désir d’avenir et à ces enjeux que la société doit affronter en dépassant tous les conservatismes.

La France n’est pas en crise, mais dans une série de crises ou plus pré­ci­sément dans une longue période de muta­tions qui mettent en question pra­ti­quement tous les aspects de la vie sociale mais aussi pro­fes­sion­nelle et per­son­nelle (voir l’évolution des struc­tures fami­liales). Les repères habi­tuels ne suf­fisent plus, les frac­tures sociales et géo­gra­phiques s’élargissent, l’incertitude règne, les pré­ca­rités s’étendent, les peurs et les angoisses se déve­loppent, les struc­tures fami­liales se diver­si­fient… Il y a un lien entre tous ces éléments même s’il faut nuancer car, dans le même temps, loca­lement, de nom­breuses ini­tia­tives souvent asso­cia­tives inventent des acti­vités, des struc­tures d’économie sociale appa­raissent et se mul­ti­plient (souvent dis­crè­tement), des dis­po­sitifs sont pro­posés par dif­fé­rentes ins­ti­tu­tions (dont l’éducation nationale, jeu­nesse et sports, action sociale…).

L’ÉDUCATION PAR­TAGÉE ET INCLUSIVE, UN DÉFI

Nous disons qu’aujourd’hui, après l’assistance au plus démunis, l’éducation est le premier besoin d’une société en mutation, une éducation par­tagée fondée sur la soli­darité.

Parce qu’il y a

  • exi­gence, en l’état actuel d’une société qui se frag­mente, de penser l’avenir et "d’armer" les jeunes pour s’inclure et pouvoir maî­triser leurs projets personnel

  • nécessité de brasser les géné­ra­tions pour trans­mettre des savoirs sociaux et professionnels

  • besoin impé­ratif de retisser les liens sociaux par les actions de proximité sus­citées par l’éducation de tous (notamment intergénérationnelles)

  • obli­gation de réduire les inéga­lités, dès leur départ, en agissant au plus près des condi­tions de vie et des situa­tions réelles vécues par les familles.

L’éducation par­tagée, c’est à dire voulue et orga­nisée ensemble pour tous, est le levier prin­cipal pour redonner espoir tant col­lectif qu’individuel

Cette vision est celle d’une nou­velle défi­nition englo­bante (ou de nou­veaux para­digmes) de l’Éducation Il nous faut, certes, des lois pour cadrer et orienter, des textes pour impulser, des décrets pour appliquer et ouvrir des pos­sibles. Il nous faut, assu­rément, des admi­nis­tra­tions sim­pli­fiées et faci­li­ta­trices sans concur­rence entre elles ou pré­ser­vation de prés carrés. Il nous faut, sans aucun doute, des poli­tiques éduca­tives locales cohérentes.

Mais, si l’éducation est un domaine poli­tique essentiel à la vie sociale et la prise de res­pon­sa­bilité, il nous faut avant tout mobi­liser tous les acteurs sur des projets éducatifs concrets cou­vrant l’ensemble des temps de vie et d’activités des jeunes et orga­niser l’accompagnement indispensable.

Sans attendre les direc­tives de nos ins­ti­tu­tions venues du haut, sans craintes d’aller trop vite au risque d’être trop lents, il est temps d’agir et d’innover pour ins­crire dans les faits cette éducation par­tagée. Il est temps de mul­ti­plier des ini­tia­tives, à l’image de ce qui se déve­loppe dans le secteur de l’économie sociale et solidaire.

Au plan poli­tique, en termes de vie de la Cité, il s’agit d’accompagner le sur­gis­sement de l’avenir en assurant une syn­thèse entre l’indispensable trans­mission des savoirs (col­lectifs et per­sonnels) entre les géné­ra­tions et leur néces­saire adé­quation et com­pré­hension aux évolu­tions et ®évolu­tions des savoirs, des condi­tions et modes de vie, des mentalités.

Nous sommes, soyons lucides, face à une alter­native : ou bien nous affirmons aller vers l’émancipation ou bien nous acceptons l’accélération des frac­tures sociales et cultu­relles. Ce ne sont pas les incan­ta­tions à la crois­sance ou le recours à l’injonction d’innovation qui sont de mise. On ne change pas une société par injonction, par décrets mais par une ambition et par l’accompagnement des ini­tia­tives. La société, et le domaine de l’éducation notamment, évoluent par et dans des pro­cessus dyna­miques, engagés par les acteurs

Le bien éducatif commun doit répondre effi­ca­cement aux besoins constatés des indi­vidus (déve­lop­pement per­sonnel) comme de l’ensemble social (déve­lop­pement socio écono­mique et culturel). Comme toute société en mou­vement, il doit se trans­former pour satis­faire aux nou­veaux besoins issus d’une société qui bouge au regard des muta­tions qui la bou­le­versent . Cette trans­for­mation est aussi l’amorce d’une éducation tout au long de la vie pour maî­triser les chan­ge­ments de civi­li­sation qui se pro­duisent dans le cadre de la mondialisation.

Ce bien commun est aujourd’hui menacé notamment par la mar­chan­di­sation du savoir (et la fracture numé­rique…) d’un côté et les frac­tures sociales de l’autre (les inéga­lités de toutes sortes -habitat, emplois, école …). Sans oublier ce qui est de l’ordre de l’inégalité d’accès au loisir ou de publics dis­cri­minés (exclusion écono­mique, nor­mative : han­dicap, origines…).

L’ensemble éducatif a subi une vraie révo­lution, celle du nombre ; l’École a rem­porté la bataille du nombre (la démo­cra­ti­sation et 80% niveau bac) et les acti­vités orga­nisées par les asso­cia­tions et les col­lec­ti­vités accueillent une plus grande part des enfants et ado­les­cents. Mais une démo­cra­ti­sation trom­peuse, puisque les inéga­lités et les exclus ont progressé.

Sans parler de l’environnement inter­na­tional et des conflits qui affectent chaque continent dans ce monde qui devient mul­ti­po­laire, notre pays subit plu­sieurs crises en parallèle, signes des muta­tions pro­fondes que porte la mon­dia­li­sation. La com­pré­hension de ces muta­tions est vitale tant leurs inter­ac­tions sont dif­fi­ciles à appré­hender d’autant plus que leurs effets per­cutent à la fois la société dans son ensemble et chaque individu en par­ti­culier. Effets qui, en fis­surant le réel et le quo­tidien créent peur (obs­cur­cis­sement de l’avenir), angoisses, replie­ments sur soi.

Les échanges entre pays, la mobilité, les migra­tions ont un impact sur l’ensemble du ter­ri­toire national, les bio­tech­no­logies et la recherche médicale se dif­fusent dans toutes les régions, les condi­tions, contenus et orga­ni­sation du travail évoluent rapi­dement… toutes ces muta­tions se conjuguent, s’entremêlent abou­tissant aux frac­tures géo­gra­phiques entre les grandes villes, leurs zones d’influence et les zones excen­trées, sans compter les poches de pau­vreté ou d’exclusion à l’intérieur même des ter­ri­toires urbains ou à leurs marges.

 

C’est bien parce que nous sommes confrontés à une géné­ra­li­sation des pro­cessus d’expulsion qu’il est urgent d’y opposer le pro­cessus de l’inclusion. Parce que l’expulsion est, à court terme, la dés­in­té­gration ou la des­truction pure et simple. En se fondant sur l’intégrité de chaque per­sonne, l’inclusion est la seule défense pos­sible dans un contexte de baisse ten­dan­cielle du taux de travail et où tout (y compris le savoir) devient mar­chandise. D’où l’urgence de la coopé­ration et du partage à quoi veulent (peuvent ? doivent ?) cor­res­pondre des pra­tiques de co-construction comme le PEdT … dans une démarche démo­cra­tique. L’inclusion (et le Projet éducatif) est très direc­tement liée au partage et à l’échanges du et des savoirs.

Nous pouvons constater que les tech­no­logies numé­riques modi­fient et mul­ti­plient les sup­ports éducatifs et leur dif­fusion mais également la cir­cu­lation des savoirs dans la société, a for­tiori entre les dif­fé­rents acteurs de la com­mu­nauté éducative. Encore trop centrés sur l’établissement sco­laire, les espaces numé­riques de travail col­la­bo­ratif pour­raient constituer des lieux vir­tuels et réels d’innovation pédagogique.

Les projets éducatifs portés par les col­lec­ti­vités ne pourraient-ils pas penser un service éducatif en ligne, articulé avec ceux des dif­fé­rents acteurs mais également ouvert aux usagers des ser­vices sociaux, ou de santé, aux service culturels, en lien avec la vie écono­mique et la vie asso­ciative du ter­ri­toire ? Un tel service serait un outil utile pour défrag­menter et décloi­sonner l’action publique mais aussi un des moyens de rendre per­cep­tible et concret le ter­ri­toire "apprenant pour tous" 

DÉVE­LOPPER L’ÉDUCATION PAR­TAGÉE : DEUX CLEFS

La mobi­li­sation constructive que nous appelons ne peut se satis­faire de dénon­cia­tions (même jus­ti­fiées), de réti­cences (même légi­times), d’inquiétudes (même com­pré­hen­sibles). Elle veut sim­plement pré­parer, faci­liter et défricher ensemble ce qui doit être trans­formé sur le terrain éducatif.

C’est pourquoi nous pensons qu’il serait efficace de choisir deux clefs pour déver­rouiller et décloi­sonner le monde éducatif par une mobi­li­sation "citoyenne" autour de trois objectifs :

-com­prendre et maî­triser les évolu­tions entraînées par la mondialisation

-assurer une vraie démo­cra­ti­sation qua­li­tative (accès de tous et accom­pa­gnement de chacun)

-retisser du lien social par la proximité et la par­ti­ci­pation aux struc­tures citoyennes de dis­cussion et d’élaboration

Ces deux clefs :

  • le PEdT à la condition qu’il soit élaboré par les acteurs éducatifs eux-mêmes (les parents, les enfants et leurs ensei­gnants, ani­ma­teurs, éduca­teurs au sens élargi à toutes les spé­cia­lités médi­cales, sociales, artis­tiques et spor­tives et du loisir…) aidés par les ser­vices des col­lec­ti­vités et des diverses ins­ti­tu­tions et asso­cia­tions locales, dans le respect des com­pé­tences de chacun des acteurs afin d’être validé ensuite par la col­lec­tivité territoriale.

  • le socle commun de connais­sances et de com­pé­tences, qui sera validé par l’École mais dont le contenu (base commune) est étudié à l’école en relation avec toutes les acti­vités d’apprentissage menées par les jeunes dans leurs temps sociaux, temps dédiés et encadrés ou temps informels.

Les Projets éducatifs ter­ri­to­riaux, dans la loi, "mettent la concer­tation locale au cœur de la question éducative ; c’est dans ce cadre que pourront être élaborés des projets prenant en compte la glo­balité des temps de l’enfant" (y compris le temps sco­laire). Ajoutons qu’ils ont une dimension sociale, qu’ils se relient au déve­lop­pement du ter­ri­toire et sont source d’une identité pour ce territoire.

Le ter­ri­toire, entendu comme une unité de proximité poli­tique et de vie (com­munes et inter­com­mu­na­lités) est le niveau adapté pour élaborer et mettre en œuvre de tels projets.

Mais, au delà des ana­lyses et orien­ta­tions indis­pen­sables, il nous semble essentiel que les élus et déci­deurs des col­lec­ti­vités puissent s’approprier cette vision et orga­nisent la gou­ver­nance de cette politique.

Il y a, du point de vue des acteurs, besoin d’une réaf­fir­mation des objectifs, d’un soutien et d’un encou­ra­gement pour les col­lec­ti­vités ter­ri­to­riales pour qu’elles puissent impulser, de manière cohé­rente, leurs poli­tiques éduca­tives et tout par­ti­cu­liè­rement l’élaboration du PEdT, gage de sa mise en œuvre.

 

La défi­nition des objectifs communs, à partir de diag­nostics par­tagés, et l’utilisation judi­cieuse des moyens de la col­lec­tivité (et de ceux des ins­ti­tu­tions et orga­nismes concernés), les mutua­li­sa­tions pos­sibles, doivent s’effectuer en fonction de l’ensemble des besoins éducatifs, sociaux et culturels iden­tifiés col­lec­ti­vement et localement.

L’implication d’une telle plu­ralité d’acteurs (et de "statuts" dif­fé­rents), suppose l’engagement sur des valeurs com­munes et la trans­pa­rence des rôles et objectifs spé­ci­fiques ; trans­pa­rence source des coopé­ra­tions pos­sibles, par exemple entre l’école et ses par­te­naires poten­tiels, mais aussi des mutua­li­sa­tions envi­sa­geables et indis­pen­sables. Elle induit que les déci­deurs poli­tiques intègrent pour la réflexion sur le PEdT la nécessité d’y entrer par les tranches d’âges en rela­tions avec les acti­vités et leurs alter­nances (et non par leurs horaires ou leur sau­cis­sonnage ou cloi­son­nement). Seule entrée pour dis­tinguer et relier les temps, les lieux, les dis­ci­plines ou spé­cia­lités, le domaine du privé et celui du public, c’est à dire les apprentissages.

Les modes d’élaboration des réponses aux besoins des jeunes et de leurs familles méritent d’être appré­hendés d’une manière moins seg­mentée et plus nova­trice au plan de la méthode, de la répar­tition des fonc­tions, com­pé­tences, mis­sions entre les dif­fé­rentes col­lec­ti­vités locales…ce qui nécessite une approche prenant davantage en compte la notion de parcours.

Nous estimons qu’un texte national d’incitation (et non d’injonction tech­no­cra­tique ou admi­nis­trative) s’impose pour définir valeurs et orien­ta­tions com­munes à l’ensemble des ter­ri­toires, texte qui sera com­plété, enrichi et adapté par les col­lec­ti­vités à leurs iden­tités propres. Ce texte peut prendre dif­fé­rentes formes : recom­man­da­tions votées par le Par­lement, cir­cu­laire inter­mi­nis­té­rielle de tous les sec­teurs concernés, charte d’engagement…

Ce texte concernera l’importance, le champ d’application, les valeurs, le pilotage, la gou­ver­nance et les enjeux des Projets Éducatifs de Ter­ri­toires d’une part et la priorité donnée au socle commun de la sco­larité obligatoire.

Mais surtout il engagera tous les acteurs de l’éducation à par­ti­ciper à la construction commune de leurs repré­sen­ta­tions de l’éducation et à l’élaboration col­lective du projet d’éducation (et non à la simple appli­cation de direc­tives). C’est tout le sens du partage pour mieux faire sur leur ter­ri­toire de vie et d’activités.

De même, en relation avec la réforme des col­lec­ti­vités ter­ri­to­riales, il est urgent de cla­rifier les com­pé­tences de chaque niveau (et plus pré­ci­sément des com­mu­nautés de com­munes et des régions), rendre trans­pa­rents les pro­cessus de déci­sions et les com­plé­men­ta­rités avec les ser­vices de l’état.

Des nou­veautés, comme le cycle CM/6è, doivent en effet être concertées avec les col­lec­ti­vités dans la mesure ou cela induit la relation écoles - col­lèges qui, reliée au socle et à l’aménagement des temps, ne peut être traitée de manière cloi­sonnée. Il pré­cisera en outre la démarche d’échanges entre le PEdT et les projets spé­ci­fiques d’école, d’établissement, de ser­vices. Enfin, la réflexion commune entre tous les éduca­teurs, ensei­gnants, parents d’une part et les mou­ve­ments asso­ciatifs et sur le contenu des acquis fon­da­mentaux (socle) per­mettra une forme d’autoformation. Il faut sans doute avoir le courage d’affirmer que la refon­dation suppose un ques­tion­nement sur le savoir et les moyens de l’acquérir. L’École, quant à elle (mater­nelle, élémen­taire, collège, lycée…) n’est pas en dehors de la société et évolue tant bien que mal, souvent avec retard.

Sur ce plan les ques­tions des "examens et diplômes" (DNB et Bac) comme celles des évalua­tions (notation) doivent être abordées rapi­dement car elles touchent très direc­tement aux par­cours des jeunes. En par­ti­culier le LPC, pour la sco­larité obli­ga­toire, est-il un outil adéquat ou valable ?

Dans l’évolution en cours, l’institution école, est heurtée d’une part par l’évolution sociale (les inéga­lités et pré­ca­ri­sation) d’autre part par les tech­no­logies numé­riques (l’information et com­mu­ni­ca­tions) en par­ti­culier par l’utilisation massive par les enfants et ado­les­cents. Le socle (son contenu) pose la question des connais­sance, des com­pé­tences et la culture néces­saire pour les acquérir et où les trouver (numé­rique oblige).. Les jeunes cherchent ordre dans le désordre d’informations non véri­fiées, voire de rumeurs. Il appar­tient sans doute, aujourd’hui, à l’école de mettre de l’ordre dans le fouillis et notamment apporter les clefs, décoder les codes. Ce sera aussi "faire le pont entre le nouveau qui se pré­sente presque à chaque instant et les connais­sances ou l’acquis…" (comme le dit Marcel Gauchet). La com­pé­tence des ensei­gnants ne devient elle pas d’inculquer le "savoir apprendre", le "savoir chercher" ? Savoir n’est ni réciter, psal­modier ou ânonner sot­tement ou stu­pi­dement mais douter, ques­tionner, chercher, com­prendre. Les jeunes ques­tionnent en per­ma­nence à com­mencer par les "pourquoi" ou "c’est quoi"…

L’école est l’institution appelée à orienter les jeunes vers ces acqui­si­tions au travers d’une coopé­ration avec les autres ins­ti­tu­tions, orga­nismes et asso­cia­tions qui accueillent des jeunes notamment de milieux sociaux exclus ou en précarité.

L’école, à tous les âges, doit apporter les outils logiques, les connais­sances, la culture, les com­pé­tences clefs indis­pen­sables, à partir des appren­tis­sages sociaux effectués dans leur vie quo­ti­dienne, à la com­pré­hension de soi, du monde et de la com­plexité (la reliance chère à E.Morin). Cette obli­gation, ou cette mission, impose des trans­for­ma­tions pro­fondes dans les contenus (les pro­grammes), les struc­tures (cycles et leurs consé­quences pour les appren­tis­sages), les méthodes (plus coopé­ra­tives). Le socle en étant le cœur… Et au cœur du cœur la com­pé­tence essen­tielle du "savoir apprendre"

L’enseignant, tout éducateur, devient médiateur pour l’accès au savoir vérifié. En refondant l’École, en arti­cu­lation avec la recom­po­sition des temps de l’enfant et des ado­les­cents et la redé­fi­nition de leurs contenus, c’est bien faire le choix d’une éducation globale partagée.

C’est faire un choix de soli­darité et de res­pon­sa­bilité inter­gé­né­ra­tion­nelles, c’est aussi faire un choix culturel, un choix social, un choix écono­mique, un choix de lien social et aussi un choix politique.

C’est faire le choix d’une société réel­lement démo­cra­tique parce qu’inclusive

"Ce n’est pas parce que les choses sont dif­fi­ciles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont dif­fi­ciles" (Sénèque)

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