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Entretien avec Marion Lalane-de-Laubadère, adjointe au maire de Toulouse

Quels sont les grands enjeux d’une politique éducative pour la ville de Toulouse ?

M.LdL : Toulouse a été précurseur au niveau des CLAE (1) qui ont été généralisés à toutes les écoles il y a une quinzaine d’années. L’accueil de l’enfant sur tous les temps éducatifs est une priorité à Toulouse. Je considère pour ma part que les temps périscolaires sont des temps pédagogiques - certes différents des temps scolaires - où les enfants apprennent, par le jeu notamment. Il faut s’adresser à toutes les intelligences des enfants afin qu’ils puissent progresser, ce que les cours ne permettent pas toujours. Le CLAE est complémentaire de l’école. Le Pedt de la ville de Toulouse s’est construit autour du concept d’ "alliance". Sans vraie alliance éducative, on ne peut pas parvenir à un parcours éducatif cohérent. Depuis la loi de refondation de l’école, l’enfant est amené à fréquenter davantage les temps périscolaires que scolaires, il est donc important de bien organiser ces temps-là. À Toulouse, environ 80% des enfants fréquentent un CLAE.

Qui sont les « alliés » éducatifs auxquels vous faites allusion ?

M.LdL : Ce sont tous les partenaires qui nous ont aidés à construire le Pedt : les fédérations d’éducation populaire, les associations, une grande partie des services de la ville, l’éducation nationale, les parents d’élèves, les directeurs d’école. Il était essentiel pour moi de travailler en concertation afin de parvenir à créer de la cohérence. C’est ainsi qu’est né le Parlement éducatif de Toulouse, jeu de mot « local » autour de l’appellation Pedt ! Dès le départ, il y avait cette volonté de bâtir un projet dans la concertation, de créer et de faire alliance en parlant ensemble d’éducation.

Comment s’est élaboré le Pedt ? Quels ont été les termes de la concertation ?

M.LdL : Je dois dire que le calendrier a été un peu compliqué à suivre car il a changé en cours de route… Il a donc fallu s’adapter, ce qui n’a pas été toujours très simple. Disons que, dès le départ, notre objectif  allait bien au-delà de l’obtention d’un simple fonds de soutien… Il s’agissait de parvenir à un projet vivant, non gravé dans le marbre, qui débouche sur une véritable alliance. Nous avons commencé tout naturellement par une phase incontournable de diagnostic, qui a permis de voir le travail accompli jusque-là par chaque acteur et d’y apporter de la cohérence. Ensuite a pu démarrer la phase de mise en oeuvre.

Pourquoi avoir choisi le terme de Parlement ? Quelle est sa particularité ?

M.LdL : L’idée était que des personnes représentantes de leurs pairs aient légitimité à réfléchir sur des questions d’éducation. Le terme de "parlement" nous a semblé assez facilement compréhensible par la plupart des gens. C’était aussi une façon de jouer sur l’acronyme Pedt…

Comment fonctionne le Parlement éducatif ?

M.LdL : Il y a un comité politique, composé d’élus, que je pilote  et qui donne les grandes orientations. Je suis entourée par les autres directions de la ville : jeunesse, enfance-loisirs, sports, conseil municipal des enfants, développement durable, mission égalité. Le Pedt implique, de façon certes inégale, presque tous les services de la ville. Et il y a un comité technique, piloté par la direction de l’éducation, qui se réunit de façon régulière pour fixer l’ordre du jour du parlement suivant, qui est composé des différents partenaires éducatifs. Cette instance réfléchit sur des thématiques, produit des fiches action, à l’aide de plates-formes collaboratives.

Quelle est l’articulation du Pedt avec les dispositifs éducatifs existants ?

M.LdL : On ne pouvait pas imaginer que les différentes politiques éducatives existantes ne figurent pas dans le Pedt. Je pilote le Contrat Enfance jeunesse ; le CLAS (2), le Programme de réussite éducative ont intégré également la direction de l’éducation. Il faut reconnaître que la culture du dialogue et la transversalité n’allaient pas de soi. Bien sûr les objectifs étaient les mêmes, mais chaque direction avait l’habitude de travailler chacune de son côté. Il a fallu parvenir à faire comprendre la globalité des enjeux pour amener les acteurs à mieux se les approprier. Mais il n’y a pas eu de réelle résistance. Maintenant les différents élus font facilement référence au Pedt. Je pense que la transversalité, la co-construction ont été une clé importante dans l’élaboration du Pedt car elles ont permis une meilleure appropriation par les acteurs.

Les trois axes éducatifs prioritaires définis dans le Pedt de Toulouse sont : construire un environnement éducatif épanouissant - accompagner l’enfant dans la construction de son parcours - forger la citoyenneté. Pourquoi avoir fait ces choix-là ?

M.LdL : Dans la réflexion, nous sommes partis des besoins de l’enfant, de sa famille, du diagnostic. Au fil des réunions, ces thèmes ont émergé et se sont affinés. Par exemple, la question du handicap a été englobée dans le champ plus large de l’éducation aux différences. Je le répète : pour que le Pedt fonctionne il fallait vraiment que le projet soit partagé. Si j’étais arrivée dès le départ avec un projet déjà ficelé, il est certain qu’il aurait été difficile d’arriver aux mêmes résultats. C’est du moins ma conviction.

Pouvez-vous détailler un des axes de travail du Pedt ?

M.LdL : Un des gros projets que nous avons menés dernièrement est une évaluation des activités péri et extrascolaires. Nous avons interrogé mille enfants et leur famille par le biais d’enquêtes poussées  autour des  activités proposées dans le Pedt. À notre grande satisfaction, 90% des sondés ont été satisfaits des activités. D’autres travaux sont menés autour de l’accueil de l’enfant, la  rénovation des bâtiments avec la participation des enfants, le règlement intérieur des accueils périscolaires, etc. De nombreuses commissions travaillent sur différentes thématiques.

Quel bilan tirer de cette première année de mise en oeuvre  du Pedt ? Quels sont les éléments de réussite, mais aussi les réajustements que vous prévoyez ?

M.LdL : Le bilan est positif. Pour l’illustrer je reprendrai une phrase prononcée par un des membres du Parlement : « Le Pedt nous a appris a nous connaître et à nous reconnaître ». C’est exactement ça l’esprit du Pedt ! La confrontation d’idées fait toute la richesse du projet. Par exemple, la coexistence dans le Parlement du public et du privé a permis de faire tomber certains préjugés, en mettant à jour les préoccupations communes. Parmi les points d’amélioration : les directeurs d’école viennent aux réunions sur leur temps libre, tous ne sont donc pas impliqués, ce qui est dommage. Une autre difficulté est de faire venir les parents. La réflexion porte actuellement sur les horaires des réunions du Parlement, pour pouvoir rassembler le maximum de gens. Mieux faire connaître le rôle du Parlement est aussi important, car au-delà de la communication, il faut que les gens comprennent son rôle. Deux fois par an je rencontre les parents d’élèves élus, ce qui me donne l’occasion de leur en parler. Il faut du temps pour que tout cela s’installe. Le but aussi est que les parents viennent aux réunions volontiers et s’investissent sur les thématiques de leur choix. Quant à la phase d’évaluation globale du Pedt, elle aura lieu en 2018.
Un des volets internes du Pedt est le travail mené sur une charte des métiers commune à l’ensemble des agents de la direction de l’éducation. C’est un énorme travail qui a été entamé il y a un an dans le but de tout repenser et de tout réorganiser selon la logique du Pedt. Vous voyez, le Pedt est la colonne vertébrale de nos actions !

Dernière question. En quoi consiste le Printemps éducatif de Toulouse ?

M.LdL : Organisé pour la première fois l’année dernière, le Printemps éducatif est l’occasion de mieux faire connaître le Pedt. L’année dernière, il s’agissait de donner une cohérence d’ensemble à un certain nombre d’actions qui existaient déjà dans les CLAE. Cette année s’y ajouteront des conférences autour de l’égalité filles-garçons destinées aux personnels de l’éducation (ville et éducation nationale) ainsi que des actions en direction des parents. Dans mon idée, il s’agit l’année prochaine d’organiser des conférences ouvertes à tous pour intéresser  au thème de l’éducation un plus large public. L’idéal serait d’y associer d’autres villes. On monte en puissance progressivement… mais sûrement !

Propos recueillis par Anne Francou (mars 2017)

Notes
Note (1). CLAE = Centre de Loisirs Associé à l’Ecole
Note (2). CLAS = Contrat Local d’Accompagnement Scolaire